“Il existe différentes formes d’universitarisation des formations”

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Publié le 23 janvier 2019
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Stéphane Le Bouler, responsable de projet Universitarisation des formations paramédicales et de maïeutique auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère des Solidarités et de la Santé.

En quoi consiste votre mission ?

En 2017, les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Santé m’ont chargé de conduire une large concertation en vue de renforcer l’intégration à l’Université des formations paramédicales et de maïeutique (sage-femme). Plusieurs mois ont été consacrés à cette concertation avec un vaste panel d’interlocuteurs des différents domaines concernés. Les représentants des syndicats de pharmaciens sont venus vers nous dans le cadre de ce processus parce qu’ils y voyaient une opportunité de faire évoluer le diplôme de préparateur en pharmacie.

En quoi l’évolution de la formation de préparateur en pharmacie est-elle liée à ce processus ?

L’Université peut apporter une contribution intéressante en la matière et l’inclusion de la formation des préparateurs dans le processus plus large d’universitarisation des formations des métiers de santé nous semble être un atout pour son évolution.

Comment pourrait être définie l’universitarisation d’une formation ?

L’intégration universitaire d’une formation ou son universitarisation est une démarche qui ne se réduit pas à une forme unique. Cela suppose, bien entendu, que l’université devienne partie prenante des formations concernées. Il peut s’agir d’une articulation entre des cursus de formation existants (les CFA pour les préparateurs, ndlr) et des cursus de formation universitaires ou encore d’un partage de certains services (bibliothèque…). Il peut s’agir d’une intégration « immobilière » par le transfert physique des écoles de formation vers les campus universitaires, ce qui facilite le partage des enseignements et des fonctions supports. Il peut encore s’agir d’une intégration que l’on dira « fonctionnelle ». C’est le cas lorsque les écoles ou instituts de formation collaborent entre eux et assument collectivement certaines fonctions sous l’égide de l’Université, à l’instar des départements universitaires de soins infirmiers. La forme la plus aboutie d’universitarisation consiste en une intégration « organique » de la formation. Dans ce cas, les écoles ou instituts de formation rejoignent juridiquement l’université et en deviennent une composante alors qu’ils étaient jusqu’alors juridiquement distincts.

L’universitarisation d’un diplôme est-elle synonyme de réorganisation et d’allongement de la durée des études ?

Non, il y a certes une tendance à assimiler parfois universitarisation, réingénierie et augmentation de la durée des études, mais c’est une erreur. L’universitarisation et la refonte – ou réingénierie – des diplômes sont des processus distincts. De la même manière, la réingénierie d’un diplôme n’engendre pas forcément une augmentation générale de la durée des études. En fonction de l’évolution des métiers, des besoins et des tâches, en l’occurrence au sein de l’officine pour les préparateurs, il faut en permanence s’interroger sur l’adaptation des référentiels métier et compétences et du cadre de formation. La formation des préparateurs, telle qu’elle est aujourd’hui organisée, n’apparaît pas forcément adaptée, et ce jugement est partagé par une large gamme d’interlocuteurs.

L’universitarisation signerait-elle la fin des CFA ?

La réingénierie de la formation et sa réorganisation institutionnelle sont deux sujets distincts mais qu’il convient d’articuler. Concernant la formation des préparateurs en pharmacie, celle-ci se fait au sein des CFA et la profession y est légitimement attachée. Il ne faut pas raisonner par exclusive mais voir comment mieux articuler ce qui se fait au sein des CFAet ce qui peut se faire en collaboration avec d’autres acteurs, dont les universités.

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Un diplôme distinct pour les préparateurs hospitaliers est-il envisageable ?

L’idée de disjoindre les formations des officinaux et des hospitaliers cadre mal avec le discours général sur l’universitarisation, qui vise au contraire à rapprocher les professions et les formations.

Quelle forme pourrait prendre le nouveau diplôme de préparateur ?

L’idée d’une formation « à deux étages » avec une année de formation supplémentaire pour une partie des étudiants, en complément d’un socle de formation de 2 ans a été avancée. Le socle pourrait être commun à l’ensemble des étudiants et l’année supplémentaire dissocierait les publics en fonction de leur destination (officine ou hôpital).

Le schéma 2+1 existe déjà dans certaines filières. Ainsi jusqu’à présent, pour la filière opticien-lunetier, on a un BTS en 2 ans mais 70 % des étudiants poursuivent par une 3e année de « spécialisation » à travers une licence professionnelle qui consolide les compétences, même si la possibilité d’exercer est acquise à partir du socle de 2 ans. La situation de la formation des préparateurs a cependant ceci de particulier qu’on y entre aujourd’hui avec le niveau bac… pour en sortir avec le niveau bac. Il y a donc à gérer la question du niveau de diplomation socle, avant de traiter de la 3e année éventuelle.

Quels enseignements pourrait contenir une telle formation en 3 ans ?

De nombreuses questions se posent, on l’a dit : faut-il envisager une année de spécialisation pour les hospitaliers après un socle de 2 ans (revu) davantage dédié à l’exercice officinal, conformément à ce qui se fait déjà ? Serait-il pertinent d’envisager 2 branches pour la 3e année, une pour les préparateurs officinaux et une autre pour les hospitaliers ? D’autres questions concernent le socle commun de 2 ans. Faut-il faire plus de place à la formation théorique en réduisant le temps passé à l’officine dans le cadre de 2 années revisitées ? Qu’est-ce qui peut être retiré du référentiel de formation existant et qu’est-ce qui doit y être ajouté au vu des missions actuelles du préparateur ? Quelle serait alors la place des différents acteurs de la formation, formateurs des CFA ou universitaires, dans ce schéma ?

Qui peut répondre à ces questions ?

Une telle refonte de la formation nécessite de mettre autour de la table les représentants de la profession, des salariés, des employeurs, des opérateurs de formation, sous l’égide des ministères de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Santé. La Conférence des doyens de pharmacie y aurait ainsi toute sa place dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un apport contributif très intéressant sur le socle de formation de 2 ans et sur les prolongements en licence professionnelle pour la 3e année.

Qu’est-ce qui pourrait débloquer l’évolution du diplôme de préparateur ?

La mise à l’agenda des problèmes de politique publique dépend des priorités que définissent les acteurs et que les pouvoirs publics arbitrent. La formation des préparateurs en pharmacie est-elle une priorité pour les professionnels et acteurs du secteur et plus généralement pour le système de santé ? Si oui, il faut la mettre en haut de la pile des dossiers à traiter. Concernant l’universitarisation des formations aux métiers de la santé, notre agenda dépend des priorités que les acteurs assignent et que les ministères reconnaissent. On ne peut pas traiter tous les dossiers en même temps. Ainsi, notre attention a été pour partie focalisée cette année sur les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et les conditions d’admission ont été modifiées avec la suppression du concours d’entrée. Un travail sur la filière « optique » va être conduit en lien avec la mise en œuvre du 100 % santé, compte tenu du besoin de faire évoluer les professions de la filière et leurs modalités de collaboration. Pour les préparateurs en pharmacie, il appartient aux acteurs de la filière de signifier l’importance qu’ils attachent à l’évolution de la formation des préparateurs et de montrer que ce projet ne fera pas peser de charges supplémentaires sur l’Etat, les Régions ou les universités.

C’est toujours comme ça que ça se passe. Si nous sommes sollicités sur ce sujet, nous fabriquerons des solutions avec l’ensemble des parties prenantes. La construction (technique et institutionnelle) d’une formation de préparateur en lien avec l’Université n’est pas excessivement compliquée à réaliser.