Histoire malheureuse d’un huissier distrait

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Publié le 16 janvier 2010
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La société M., locataire d’un local à usage commercial, s’adresse à un huissier pour lui demander de signifier à son bailleur sa demande de renouvellement du bail. Par un acte du 3 juin 1993, l’huissier signifie au propriétaire des murs, par erreur, un congé qui prendra effet le 31 décembre. Le 6 juin, s’apercevant de sa faute grossière, il fait une demande de renouvellement de bail, annulant et remplaçant le congé signifié trois jours auparavant. Mais, par une lettre du 6 juin, le bailleur déclare accepter le congé et retient que les locaux seront libres le 31 décembre, puis il fait notifier au locataire un acte refusant de renouveler le bail sans indemnité d’éviction.

Selon le propriétaire, l’huissier est titulaire d’un monopole légal pour signifier les actes qui produisent immédiatement et irrévocablement leurs effets. Le premier acte du 3 juin a mis fin irrévocablement au bail et le second ne peut faire revivre les droits du locataire. Par ailleurs, le bailleur fait valoir que le monopole légal dont bénéficie l’huissier le dispensait de vérifier les pouvoirs conférés à celui-ci. L’acte d’huissier délivré par erreur le 3 juin est-il nul ou peut-il être annulé ?

Dans un premier temps, la cour d’appel de Lyon (1) estime que le congé est contraire à l’intention du locataire et qu’en conséquence il est inexistant, l’huissier n’ayant pas reçu mandat de délivrer un congé, mais une demande de renouvellement de bail.

La Cour de cassation (2) en juge autrement. Selon elle, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi. Seuls les vices de forme faisant grief et les irrégularités limitativement énumérées à l’article 117 du Code de procédure civile affectent la validité d’un acte. Il s’agit essentiellement du défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne physique ou morale de mener une action en justice. Le cas de la société M. n’y figure donc pas.

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L’erreur de l’huissier est donc lourde de conséquences puisqu’elle fait perdre au locataire le bénéfice de la propriété commerciale. Il ne lui reste plus qu’à se retourner contre l’huissier et à engager sa responsabilité professionnelle, en espérant toutefois qu’il ait une bonne assurance.

(1) CA Lyon, 15 janvier 2008.

(2) Cass. civ., 30 septembre 2009, n° 08-13756.