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J’installe mon adjoint
La SELARL est aujourd’hui la forme juridique la plus utilisée par les titulaires pour aider un adjoint à s’installer. Comment ? Quels sont les pièges à éviter ? Quels avantages en retirer ? Témoignages.
Une SELARL dans laquelle s’associent un pharmacien « investisseur » déjà installé et un jeune sans réels moyens financiers est le schéma le plus courant. Le principe ? Le premier prend une participation et le second, qui va travailler dans la SEL, en est le gérant majoritaire.
Ce scénario de l’installation, Jacques Brullé, installé à Calais (Pas-de-Calais), le connaît par coeur. Aujourd’hui âgé de 63 ans, il en a fait l’expérience à deux reprises. En 1995, il achète 49 % des parts d’une officine à Wissant (Nord-pas-de-calais) en SELARL et aide un confrère à s’installer. Alors que l’heure de la retraite a sonné, il rempile en aidant l’un de ses salariés diplômés, Florent Jehu, 26 ans, à entrer dans le capital de son officine. « Comme je souhaitais continuer à exercer, j’ai vendu mon fonds à une SELARL, payé l’impôt sur les plus-values de cession et acheté 50 % des parts », explique Jacques Brullé. Dans la corbeille de cette union, il apporte son expérience, son diplôme, sa caution financière et professionnelle (la pharmacie réalise plus de 3 millions de CA). Florent Jehu, lui, offre ses compétences, son dynamisme et sa jeunesse. Cette alchimie est complétée par un pacte d’associés qui scelle cette entente, malgré l’écart de génération.
« Comme Florent travaille davantage que moi, sa rémunération de gérance est le double de la mienne. A 71 ans, je lui revendrais ma participation tout en profitant du régime d’exonération d’imposition des plus-values pour détention de parts de sociétés à l’IS depuis plus de huit ans », conclut Jacques Brullé.
Si la SELARL constitue la forme juridique la mieux adaptée, Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs associés, déconseille en revanche la SELAS à un jeune qui ne posséderait au démarrage que 5 % des parts, soit le minimum requis par la loi ; « Le jeune qui a engagé son diplôme dans une SELAS peut ensuite difficilement racheter en huit ans les 95 % parts de son associé compte tenu du coût fiscal élevé, surtout si le fonds a pris rapidement de la valeur. »
Atténuer les inégalités entre associés exploitant et extérieur
Lorsque les personnes se connaissent et s’apprécient dans le travail, il est rare que leur association se passe mal, sauf si le titulaire maintient exagérément une relation hiérarchique avec son ex-adjoint et dirige de fait à sa place. Or, la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL protège en principe l’indépendance du pharmacien exploitant en réservant aux diplômés exerçant la majorité des droits de vote.
En outre, les comptes courants d’associés sont plafonnés afin d’éviter que la société puisse être dépendante d’un seul associé. Ces comptes doivent donc représenter, au maximum, trois fois l’apport en capital pour l’associé exploitant et une fois l’apport en capital pour l’associé extérieur. Or, au moment de la constitution de la société, les associés butent sur la législation des comptes courants lorsque l’investisseur apporte beaucoup plus de capitaux que l’exploitant. C’est précisément ce type de problème qu’ont rencontré un titulaire et son adjoint en région parisienne. Le premier a préalablement vendu son officine exploitée en entreprise individuelle à une SEL (vente dite « à soi-même »), puis récupéré des capitaux dont une partie a été réinvestie dans l’acquisition d’une seconde officine en SEL. Les deux associés décident alors de constituer une SELARL au capital de 100 000 euros (à raison de 50 000 Û chacun). Ce montant de participation est tout ce que possède l’adjoint en fonds propres. L’emprunt bancaire (100 % du prix de cession, soit 1 600 000 Û) et les encours grossistes (190 000 Û) ne suffisent pas à couvrir les autres actifs de la société (frais d’établissement, travaux, équipements, stock HT, fonds de roulement pour un montant total de 520 000 Û). Pour boucler le financement, le titulaire met son complément d’apport en compte courant, soit 230 000 euros. Or, en théorie, les sommes qu’il peut verser en compte courant ne peuvent être supérieures à sa participation dans le capital, soit 50 000 euros.
En pratique, les experts-comptables chargés du montage financier se soucient peu de cette particularité voulue par le législateur. « Il n’y a pas de pénalité prévue et une régularisation des comptes courants est possible à tout moment en transformant une partie des sommes placées en crédit traditionnel au bénéfice de la société », rassure Michel Watrelos. Attention ! Ce prêt consenti par l’associé investisseur à la SELARL, moyennant intérêts, doit être enregistré au centre des impôts dont elle relève. Dans un cas comme dans l’autre, l’associé investisseur est rémunéré par les capitaux qu’il a injectés dans l’affaire. « Les sommes déposées en compte courant sont rémunérées au taux annuel de 5 % environ, indique Michel Watrelos. A l’heure actuelle, il n’y a pas de placement aussi performant à court terme ! »
Très souvent, pour se garantir, la banque demande le blocage des comptes courants par voie de convention pour une durée de cinq ans. « Passé ce délai, la société peut renégocier l’emprunt en y incluant le compte courant de manière à pouvoir rembourser l’associé investisseur de ses avances », signale l’expert-comptable (lire encadré ci-dessus).
Une fiscalité de transmission très incitative
Le but d’un parrainage est de faciliter l’envol de l’adjoint et de l’aider à devenir progressivement propriétaire à 100 % de son outil de travail. Cependant, « les associés investisseurs en SEL ont du mal, au bout de huit ans, à céder leur participation, surtout si l’affaire progresse bien », constate Michel Watrelos.
Et pourtant la fiscalité de la transmission de parts de sociétés à l’IS les y incite vivement. Le pharmacien (exploitant ou investisseur) est exonéré totalement de l’impôt au taux de 16 % sur la plus-value après la fin de la huitième année de détention (décomptée à partir du 1er janvier 2006 même pour les titres acquis avant cette date, soit à partir de 2014). Plutôt attractif !
C’est là où le pacte d’associés prend toute son importance. « Une clause doit prévoir le rachat des parts du sponsor au terme des huit ans d’association, ainsi que les modalités de sortie et de calcul du prix des parts, précise Michel Watrelos. En effet, si l’ex-adjoint a redynamisé l’affaire et fait progresser chaque année le chiffre d’affaires plus que la moyenne, il n’est pas juste qu’il rachète au prix fort le fruit de son travail. Une décote sur le prix des parts devra donc être appliquée. »
Au terme de huit années (au minimum) de vie commune, les deux parties y auront trouvé chacune leur intérêt. Malgré la faiblesse de ses apports financiers, le jeune pharmacien a trouvé le moyen de s’installer dans une affaire de « bonne taille » grâce à la caution financière de son associé. Pendant les premières années d’exercice, il a profité d’une conduite accompagnée. Tout en aidant le jeune à la constitution d’un capital, le pharmacien investisseur a de son côté réussi une opération patrimoniale intéressante à long terme au travers de la plus-value qu’il a réalisée sur la revente des parts ou du fonds.
Se rembourser des sommes déposées sur un compte courant
Un dirigeant ou un associé qui a ouvert un compte courant à son nom dans sa société peut en principe exiger à tout moment d’être remboursé des sommes qu’il a déposées, quelle que soit la situation financière de la société. En pratique, la jurisprudence considère que le remboursement ne doit pas mettre la société en péril. En outre, le juge peut demander – la convention de compte courant ou les statuts peuvent également le prévoir – que le retrait des fonds respecte un délai de préavis. Une clause de blocage des fonds pendant quelques années ou une clause par laquelle l’associé renonce à demander le remboursement avant qu’un autre associé ne puisse le faire lui-même (clause d’antériorité) peuvent également être prévues.
Avant de déposer des fonds sur un compte courant d’associé, mieux vaut donc s’assurer des conditions de leur retrait.
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