Honoraires de dispensation

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Publié le 17 avril 2010
Par Jean-Luc Decaestecker
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Depuis le 1er avril, les pharmaciens belges sont rémunérés, pour les médicaments remboursables, sur la base d’honoraires fixes et non plus seulement à partir d’une marge économique perçue sur le médicament. Une (r)évolution qui consacre le rôle « intellectuel » du pharmacien d’officine.

Le 1er avril 2010 est un grand jour pour les pharmaciens de Belgique. Il y a deux ans, ils avaient déjà été reconnus par la loi comme prestataires de soins. Cette fois, leur rémunération est mise en adéquation avec le contenu réel de leur exercice », se félicite Anne Lecroart. La secrétaire générale francophone de l’Association pharmaceutique belge (APB) y voit la consécration de dix années de travail.

De fait, depuis maintenant une quinzaine de jours, les pharmaciens belges bénéficient d’un nouveau système de rémunération pour les médicaments remboursables délivrés sur ordonnance, système à trois niveaux. « Jusqu’au 30 mars, explique Jean-Claude Hovine, pharmacien au Bizet, notre rémunération ne reposait que sur la seule marge économique et nous percevions 31 ?% du prix des médicaments, avec un plancher fixe de 7,44 euros à partir de 25,44 euros de prix de vente public. Le prix des spécialités, notamment nouvelles, ne cessant d’augmenter et celui des génériques de baisser, la rentabilité des officines devenait au fil des ans de plus en plus catastrophique. Cette rémunération au pourcentage ne tenait plus économiquement et, surtout, ne correspondait plus à l’évolution récente du métier. »

3,88 euros hors TVA par conditionnement

Désormais, la rémunération du pharmacien belge repose donc sur trois piliers :

– des honoraires fixes de dispensation, soit 3,88 euros hors TVA (6 %) par conditionnement, identique pour toutes les spécialités remboursables. Ces honoraires rémunèrent le travail effectué lors de la délivrance, à savoir la vérification de la validité de l’ordonnance, les conseils ciblés de bon usage, l’enregistrement dans le dossier pharmaceutique, etc. ;

– une marge économique dégressive à deux tranches, soit 6,04 % sur les prix sortie usine inférieurs ou égaux à 60 euros, augmentés de 2 % sur la partie au-delà de 60 euros, destinée à couvrir les coûts d’exploitation et de bon fonctionnement de l’officine (achat et délivrance des médicaments, gestion des stocks, exploitation de l’officine…) ;

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– à ces deux composantes incluses dans le prix public du médicament, peuvent s’ajouter hors prix public et donc non à charge du patient des honoraires spécifiques et complémentaires de 1,19 € hors TVA (1,26 € TVA comprise) pour chaque exécution de nouvelles tâches. C’est ainsi que sont désormais rémunérées l’exécution des prescriptions formulées en dénomination commune et celle des prescriptions soumises à l’autorisation d’un médecin-conseil.

S’y ajoutent pour l’année 2010 des honoraires forfaitaires uniques de 500 euros hors TVA par pharmacie lors de la première délivrance en cas de maladie chronique. Ne sont concernés par cet accompagnement de première délivrance que cinq classes thérapeutiques (corticoïdes inhalés, AINS, antidiabétiques oraux, antibiotiques et anticoagulants), l’objectif étant à terme de remplacer ces honoraires forfaitaires par des honoraires spécifiques liés à la prescription.

Ce nouveau système ne s’applique qu’aux médicaments remboursés et dispensés en officine, pas à ceux dispensés dans les hôpitaux, pas non plus aux médicaments non remboursés prescrits ou en vente libre.

Il aura quand même fallu dix années

Ce changement de mode de rémunération est l’aboutissement d’une démarche engagée depuis dix ans en Belgique pour que soit prise en compte la spécificité du pharmacien comme « expert du médicament » et « conseiller en soins de santé ». Ce long processus s’est trouvé concrétisé par la loi du 1er mai 2006 qui lui a reconnu un rôle « intellectuel », loi complétée par l’arrêté royal du 21 janvier 2009 qui a défini ses tâches. Ne manquait que la reconnaissance « économique » de l’évolution du rôle du pharmacien au sein des soins de santé, autrefois préparateur de médicaments, aujourd’hui en charge de veiller à un usage optimal et rationnel des spécialités qu’il dispense et de conseiller et d’accompagner ses patients dans la prise de médicaments par la prévention des interactions, contre-indications, etc.

C’est donc chose faite. « La loi nous a reconnus comme seuls dispensateurs de médicaments. Désormais, nos actes professionnels et les missions qui nous ont été assignées, comme le suivi des soins, les premières délivrances ou le changement de dosage, mais pas la substitution qui nous est refusée, sont effectivement valorisés en tant que tels », se félicite Fabienne Lignel, pharmacienne dans l’officine de Jean-Claude Hovine. Elle prend l’exemple d’une prescription en dénomination commune : « Nous n’avons pas la possibilité comme en France de substituer, mais il nous appartient de déterminer avec le concours du patient le médicament le plus adapté à sa pathologie et qui n’est pas forcément le meilleur marché. C’est ce travail spécifique d’analyse et de choix qui nous est rémunéré. »

Une refonte qui protégerait l’économie de l’officine

Le pharmacien sera-t-il gagnant financièrement ? Mieux vaut parler d’« opération blanche ». « Le statu quo est en principe acquis, assure Jean-Claude Hovine. Il ne fallait pas que l’Etat paye plus, que le patient y soit davantage de sa poche, et le pharmacien devait s’y retrouver. De nombreuses simulations ont été réalisées et la dernière donne des officinaux gagnants de 2 % et d’autres perdants de 2 %, sans que l’on sache expliquer réellement ces variations. Normalement, cette refonte du mode de rémunération va surtout limiter les retombées de la baisse des prix des médicaments sur les résultats de nos entreprises… »

Le nouveau système offre de plus l’avantage de ne pénaliser ni les patients – grâce à un changement de la prise en charge avec un ticket modérateur calculé sur la base du prix sortie d’usine et non plus de son prix public – ni les budgets de l’assurance maladie. Seuls changent la clé de répartition des revenus des pharmaciens et le mode de calcul du ticket modérateur. La marge économique ne représentera plus que 20 ?% des revenus du pharmacien, réduisant très fortement sa dépendance vis-à-vis du prix des médicaments, quand les honoraires, rémunération de ses actes intellectuels, en composeront 80 % : 75 % pour la dispensation elle-même et 5 % pour les spécifiques.

Pour autant, si ces revenus seront plus élevés lors de la délivrance de spécialités bon marché et moindres pour celle de spécialités plus chères, les nouvelles clés de répartition ont été calculées pour obtenir une totale neutralité budgétaire pour l’exercice en cours. « Les revenus des pharmaciens ne se trouveront pas augmentés par cette réforme qui ne vise qu’à mettre en adéquation le mode de rémunération avec le contenu réel de l’exercice », explicite Anne Lecroart, qui rappelle qu’est aussi acquise l’indexation annuelle des honoraires sur l’index santé, alors que l’enveloppe santé globale n’en a pas bénéficié depuis 2006 (année de référence pour le calcul des simulations) et que le plafond actuel de la marge n’a plus été adapté depuis 1987. En ce sens, le nouveau système devrait mieux protéger que l’ancien contre les mesures d’économies qui frappent ou menacent de frapper le secteur de la santé, avec la certitude qu’il bénéficiera d’abord à ceux qui s’engageront à développer en priorité leur rôle de prestataire de soins.

Une première évaluation aura lieu à l’automne et des mesures de correction ont été prévues. Elles pourront être mises en œuvre dans les deux premières années de mise en route.

Composition du prix d’un médicament

Exemple 1 : Amoxiclav Teva 500 mg comprimés 16 x 500 mg/125 mg

Les grossistes aussi…

Le mode de calcul de la marge des grossistes a également été modifié au 1er avril, sur la même base d’une neutralité budgétaire. Leur rémunération a pris la forme d’une marge à trois tranches : un forfait de 0,35 euro pour un prix sortie d’usine inférieur ou égal à 2,33 euros, une marge de 15 ?% pour celui compris entre 2,33 et 15,33 euros et un forfait de 2,30 euros augmenté d’une marge de 0,9 ?% sur la partie du prix sortie d’usine supérieure à 15,33 euros pour celui égal ou supérieur à 15,33 euros. Cette modification a pour fondement le transfert du montant libéré par l’abandon de la marge absolue pour les génériques vers la marge de financement des spécialités chères.

* L’index santé est l’indice des prix à la consommation, hors prix du tabac, des boissons alcoolisées, de l’essence et du diesel.