LE TEMPS DES NÉGOCIATIONS

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Publié le 9 juillet 2011 | modifié le 18 août 2025
Par Magali Clausener
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Après la remise du rapport de l’Igas sur les pharmacies d’officine, les syndicats ont été reçus par la Direction de la sécurité sociale. Les négociations devraient s’ouvrir dès la semaine prochaine. Mais le temps est compté et de nombreux sujets doivent être traités, dont l’élaboration de l’honoraire de dispensation.

Les négociations sur la rémunération et les nouveaux services devraient enfin pouvoir démarrer. La FSPF, l’USPO et l’UNPF ont été reçues à tour de rôle par la Direction de la sécurité sociale au ministère de la Santé durant la semaine du 4 juillet. Au programme de ces rencontres : le ressenti des syndicats au sujet du rapport de l’Igas sur les pharmacies d’officine (voir Le Moniteur des pharmacies n° 2890 du 2 juillet 2001). Un ressenti partagé par les syndicats au moins sur plusieurs points. Philippe Gaertner, président de la FSPF, Gilles Bonnefond, président de l’USPO, Frédéric Laurent, président de l’UNPF, s’accordent pour dire que les propositions de la mission sur la multipropriété des pharmaciens, l’ouverture du capital des officines et la vente des officines ne sont pas envisageables par la profession. Pas question de négocier sur ces sujets.

52 % des officines n’ont pas la taille critique

Autre élément du rapport qui fait l’unanimité des syndicats : la taille critique des officines fixée par la mission à 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires. Pour les inspecteurs de l’Igas, le réseau doit se restructurer et les petites pharmacies se regrouper pour atteindre la taille critique. Mais « 52 % des officines ont un chiffre d’affaires inférieur et n’ont pas la taille critique. Ce qui signifie qu’elles n’ont pas de salut ! », résume Gilles Bonnefond. Un argument repris par les deux autres présidents. De plus, comme le souligne Frédéric Laurent, l’Igas propose ce chiffre de 1,5 M€, alors qu’elle préconise de modifier les normes de personnel avec un demi équivalent temps plein à partir de 635 000 euros de chiffre d’affaires contre 1,270 M€ à l’heure actuelle.

Quant à la mise en place d’un honoraire de dispensation, les syndicats relèvent que l’Igas ne donne aucune indication chiffrée sur la part de la marge commerciale et la part d’honoraire de dispensation. La mission recommande de prendre en compte trois critères conjointement, c’est-à-dire l’ordonnance, le nombre de lignes et la dispensation de « médicaments complexes ». Et suggère de s’inspirer du modèle suisse, « le plus sophistiqué à la connaissance de la mission », et du « point pharmaceutique » qui permettrait de valoriser les différents paramètres. La valeur économique du point serait alors « un élément des négociations sur l’économie de l’officine ». Mais la mission ne va pas plus loin. D’ores et déjà, une enquête menée du 1er au 5 juillet par la FSPF montre que les pharmaciens sont prêts à basculer vers un honoraire de dispensation. Les trois quarts des répondants (1012 adhérents) se disent favorables à cette évolution.

Des négociations et un calendrier serrés

Le rapport tant attendu n’apporte donc pas de solutions précises mais plutôt des pistes de réflexion. Il suscite en revanche de nombreuses questions, ce que remarquent également les trois syndicats. De fait, les négociations vont être serrées à l’instar du calendrier. Si des mesures en matière de rémunération et de nouveaux services sont décidées, elles doivent figurer non seulement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, mais également, du moins pour une partie d’entre elles, dans la nouvelle convention nationale en discussion actuellement et qui devrait être opérationnelle en septembre. La FSPF, l’USPO et l’UNPF, qui se sont déjà réunies mardi 5 juillet, réfléchissent à des propositions communes. Et attendent les premières réunions au ministère de la Santé, qui devraient commencer la semaine prochaine.

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PHILIPPE GAERTNER PRÉSIDENT DE LA FSPF

La Fédération adhère à l’essentiel du rapport Igas et nous retrouvons de nombreuses propositions et pistes que nous avions évoquées. Sur la profession, le rapport prend en compte le rôle du professionnel de santé : premier recours, dépistage et accompagnement des patients. Je n’ai pas de problème avec ce que certains ont pu appeler « l’attaque » du pharmacien correspondant. Dès la parution du décret, j’avais dit qu’il nous fallait deux niveaux : l’expérimentation avec l’ARS et le niveau national. Il ne faut pas séparer ces deux éléments et, pour nous, le niveau national est un élément positif. Concernant l’économie, le rapport contient des pistes très sérieuses d’évolution de la rémunération. La déception est dans la rédaction de la recommandation. On aurait aimé lire comment faire pour faire évoluer la rémunération.

Il y a cependant trois cartons rouges. Le premier, c’est l’ouverture du capital. On touche à l’un des piliers de l’officine. Le deuxième, c’est la vente sur Internet. Mais cela ne nous inquiète pas trop, car même les inspecteurs ne sont pas d’accord entre eux, car le sujet est complexe. Le troisième carton rouge résulte du fait de dire que les officines qui réalisent moins d’1,5 million d’euros ne sont pas dans la cible.

GILLES BONNEFOND PRÉSIDENT DE L’USPO

C’est une déception. Le rapport souligne plus les inquiétudes des autres professionnels de santé qu’il ne met en place les ambitions d’une profession. J’ai l’impression d’avoir perdu 8 mois pour rien. Le rapport s’arrête à la page 63. Après, il s’agit de bêtises : multipropriétés, ouverture du capital, vente sur Internet. Si Xavier Bertrand ouvre ces chantiers, je quitte les négociations.

Malgré tout, le rapport montre la tendance : l’évolution du métier et du mode de rémunération avec une partie de moins en moins commerciale et une partie fixe. Nous allons vers une bipolarisation du marché avec 95 % de médicaments dans la première tranche et 3 % à 4 % de médicaments dans la troisième tranche. La réflexion des trois syndicats doit prendre en compte les modifications en profondeur de la façon dont les médicaments seront mis sur le marché, leur prix fixé, et la façon dont ils seront prescrits. Il faut revaloriser et l’ordonnance et les médicaments peu chers. Il faut augmenter la partie forfaitaire. Le rapport de l’Igas apporte des pistes intéressantes. Je remets tout à plat. Je suis ouvert. Mais, pour la rémunération, il faut faire dans la dentelle et y aller doucement, en 4 ou 5 ans. Quant aux services, j’attends de Xavier Bertrand une véritable volonté stratégique de renforcer le rôle du pharmacien et qu’il soit le ministre de la coordination des soins. Mais je trouve scandaleux que la mission « dégomme » le pharmacien correspondant. Et assez curieux de le remplacer par une solution alternative qui est le renouvellement de la prescription après un bilan pharmaceutique.

FRÉDÉRIC LAURENT PRÉSIDENT DE L’UNPF

Le point positif du rapport est qu’il replace les pharmaciens sur leur exercice professionnel en tant que professionnels de santé. Toutefois, un certain nombre de mesures ne vont pas dans le bon sens. Et il y a des mesures sur lesquelles nous n’irons pas du tout : ouverture du capital, nombre illimité d’officines détenues par un pharmacien, vente sur Internet. Se pose aussi la problématique de cibler l’indicateur de revenu. Prendre le revenu seul du pharmacien ne nous convient pas. En revanche, nous sommes pour l’évaluation. Mais la certification est une démarche trop lourde. Il nous semble cependant opportun d’augmenter la qualité dans l’officine. Concernant la rémunération, je ne suis pas certain que le réseau soit prêt à basculer vers de l’honoraire. Il n’est pas prêt à absorber ce changement. Il faudra y rentrer, mais plus tard. Il ya des préalables : un changement de mode de travail, la qualité, des locaux adaptés. Et on ne sait pas où se situe le curseur entre la marge commerciale et l’honoraire. Il va falloir modéliser au niveau micro-économique, car il y a différents types de pharmacies. Pour nous, la forfaitisation est un des leviers sur lesquels on peut jouer. Et il faudrait retrouver de la linéarité sur la marge. Nous sommes favorables aux différents services proposés par l’Igas. Nous partageons l’avis des inspecteurs sur la lourdeur de la mise en œuvre du pharmacien correspondant. Si nous pouvons avoir des protocoles nationaux, cela ira plus vite. Les services peuvent se mettre en place assez rapidement, mais nous devrons discuter avec l’Assurance maladie pour faire acter que nous avons besoin d’une lettre-clé.