Sanctionner un collaborateur

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Publié le 22 septembre 2012
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Face à un manquement d’un collaborateur, l’employeur peut décider d’une sanction. A condition d’agir dans les limites fixées par la loi. De la mésentente à l’insuffisance professionnelle en passant par la faute, voici quelques situations types et ce que vous devez savoir pour appliquer une sanction, s’il y a lieu, et selon quelle procédure.

Testez-vous

Le pouvoir de direction de l’employeur

1 L’employeur détient le pouvoir de direction et d’organisation.

2 Le refus d’appliquer les méthodes définies par l’employeur constitue une insubordination pouvant justifier un licenciement.

3 Un adjoint ne peut pas refuser de délivrer un médicament listé sans ordonnance dès lors que le titulaire lui donne l’ordre de dépanner un client.

La mésentente, l’incompatibilité d’humeur et la perte de confiance ?

4 Un salarié n’a pas le droit de critiquer l’entreprise pour laquelle il travaille.

5 Quand l’employeur ne s’entend plus avec un salarié, il peut le licencier.

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6 La perte de confiance est un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs.

L’insuffisance professionnelle ?

7 L’insuffisance professionnelle peut être définie comme l’incapacité du salarié à exécuter correctement son travail.

8 Lorsqu’un salarié n’a pas atteint ses objectifs, l’employeur peut lui reprocher son insuffisance professionnelle.

9 L’employeur peut licencier un salarié pour insuffisance professionnelle.

La faute

10 Une erreur de délivrance peut être sanctionnée par un licenciement.

11 Si un salarié a un comportement fautif, l’employeur doit d’abord lui adresser un avertissement.

12 La mise à pied disciplinaire consiste à exclure temporairement le salarié de l’entreprise.

RÉPONSES

1 VRAI : C’est le chef de l’entreprise qui est chargé de diriger et d’organiser sa société.

2 VRAI : Le pouvoir de direction de l’employeur est assorti d’un pouvoir de sanction.

3 FAUX : Le pharmacien adjoint ne peut exécuter des ordres contraires à la législation pharmaceutique.

4 FAUX : La liberté d’expression du salarié inclut la critique dès lors qu’elle est formulée sans excès.

5 VRAI : En cas de répercussions sur la bonne marche de l’entreprise, la mésentente peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement personnel.

6 FAUX : La perte de confiance de l’employeur ne peut jamais constituer en soi une cause de licenciement.

7 VRAI : Une telle appréciation repose essentiellement sur des critères qualitatifs.

8 FAUX : L’insuffisance de résultats n’est pas forcément attribuable à une insuffisance professionnelle.

9 VRAI : A condition qu’elle présente une certaine gravité.

10 VRAI : Une erreur de délivrance est une faute que l’employeur peut sanctionner par un licenciement.

11 FAUX : L’employeur doit choisir entre l’avertissement ou le licenciement, mais pas les deux.

12 VRAI : La durée de la mise à pied doit être raisonnable, entre 1 et 6 jours.

CAS PRATIQUE n° 1

Laure, pharmacienne adjointe, travaille du lundi au vendredi à l’exclusion des mercredis qu’elle consacre à ses enfants. Suite à une réorganisation des emplois du temps, son employeur lui demande d’être présente un mercredi sur deux et un lundi sur deux. Laure devra-t-elle se soumettre à la décision de son employeur ?

QU’EST-CE QUE LE POUVOIR DE DIRECTION ?

L’employeur détient le pouvoir de direction de son entreprise. Ce pouvoir lui confère de multiples prérogatives parmi lesquelles : définir la stratégie de développement de l’entreprise, conduire la gestion opérationnelle, prendre les décisions d’investissement, mettre en place l’organisation du travail et gérer le personnel.

COMMENT S’EXERCE-T-IL SUR LES SALARIÉS ?

Les salariés exécutent leur travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Le pouvoir de direction de l’employeur s’exprime notamment lorsqu’il s’agit de :

Définir les attributions de chaque salarié

En fonction de leurs diplômes et de leurs compétences, l’employeur fixe aux salariés des missions, des responsabilités et des objectifs. Mais celles-ci ne doivent pas entrer en conflit avec les dispositions du Code de la santé publique. Par exemple :

• La tenue du registre comptable des stupéfiants ne peut être confiée à un pharmacien adjoint ou à un préparateur. Cette opération est théoriquement réservée aux seuls pharmaciens titulaires, comme le stipule l’article R. 5132-36 du Code de la santé publique).

• Les apprentis ne peuvent pas délivrer de médicaments, listés ou non, même sous la surveillance d’un pharmacien (article L. 4241-1 du Code de la santé publique).

• L’étudiant en pharmacie ne peut pas accomplir d’actes pharmaceutiques en toute autonomie, même s’il a validé sa 5e année et son stage de 6 mois de pratique professionnelle (article L. 4241-10 du Code de la santé publique), sauf dans le cas du remplacement.

Modifier les horaires de travail

La fixation des horaires et leur modification relèvent par principe du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, il convient de distinguer deux situations :

• Si la modification entraîne une modification des conditions de travail, l’employeur peut l’imposer sans devoir obtenir l’accord du salarié concerné. En cas de refus, l’employeur peut entamer une procédure de licenciement disciplinaire pour faute (voir p. 10).

• Si la modification des horaires entraîne une modification du contrat de travail, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié concerné.

Pour distinguer ce qui relève de son pouvoir de direction ou au contraire d’une modification contractuelle, l’employeur doit tenir compte des éléments qui ont été déterminants lors de la signature du contrat, et éventuellement de la situation personnelle de la salariée. Un élément du contrat de travail est dit « essentiel » dès lors qu’il est déterminant dans l’engagement. A ce titre, il ne peut être modifié sans l’accord des deux parties concourant au contrat. L’employeur ne pourra donc par la suite imposer au salarié une modification d’un élément essentiel. A l’inverse, une mention informative pourra être modifiée par l’employeur sans devoir obtenir l’accord du salarié.

Dans le cas de Laure, il s’agit d’une modification de la répartition hebdomadaire de ses horaires, sans incidence sur sa durée totale de travail et sur sa rémunération. L’employeur est en principe libre de réaménager cette répartition, sauf si le contrat de travail exclut le travail le mercredi ou si cette modification entraîne un bouleversement de sa vie personnelle et familiale. En cas de retentissement excessif sur sa vie personnelle et familiale (par exemple si Laure doit engager des frais supplémentaires de garde pour ses enfants), la modification des horaires s’analyse en une modification contractuelle soumise à l’accord de la salariée.

Organiser les départs en congés

L’organisation des congés relève du pouvoir de direction de l’employeur. C’est lui qui fixe les dates de départ en congé de chaque salarié. Pour établir le planning, l’employeur doit tenir compte d’abord des nécessités du service et ensuite, dans la mesure du possible et par ordre de priorité, des situations familiales puis de l’ancienneté, et enfin des possibilités de congés du conjoint (article 25 des dispositions générales de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine). Ainsi, pour le personnel dont les enfants fréquentent l’école, les congés doivent être accordés, dans la mesure du possible, au cours des vacances scolaires.

QUELLES SONT LES LIMITES À NE PAS DÉPASSER ?

Bien que le salarié travaille sous la subordination et le contrôle de son employeur, cela ne signifie pas qu’il ne dispose d’aucune liberté.

La liberté d’expression

C’est un principe, le salarié a le droit de s’exprimer librement dans et hors de l’entreprise. Il ne peut toutefois pas abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’égard de son employeur ou des autres salariés. Cela peut constituer un motif de licenciement.

La liberté vestimentaire

La liberté de se vêtir à sa guise sur son lieu de travail ne relève pas d’une liberté fondamentale. L’employeur peut imposer un code vestimentaire comme par exemple une tenue de travail identique pour l’ensemble de l’équipe, ou plus simplement le port de la blouse. Il peut également interdire certaines tenues qu’il juge inappropriées ou indécentes pour le personnel en contact avec la clientèle. Le port de survêtement, de bermuda ou chemisier transparent a déjà mené employés et employeurs devant les tribunaux.

La liberté religieuse

L’article L. 1121-1 indique que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». L’employeur ne peut pas interdire le port d’insignes religieux (par exemple la croix chrétienne, l’étoile de David ou la main de Fatima). En revanche, le salarié doit s’abstenir de tout prosélytisme au sein de l’entreprise.

La liberté sentimentale

Certains liens, autres que professionnels, peuvent se tisser entre les collaborateurs d’une même entreprise. Si l’équilibre entre vie professionnelle et vie sentimentale devient alors subtil, il n’en demeure pas moins privé. A cet égard, l’intrusion de l’employeur dans la vie amoureuse des salariés n’est pas admise dès lors que leurs comportements ne perturbent pas le fonctionnement de l’entreprise.

CAS PRATIQUE N° 2

La mésentente, l’incompatibilité d’humeur, la perte de confiance

Bernard, titulaire, rencontre des difficultés avec son adjoint. Il ne peut pas lui reprocher de ne pas accomplir correctement son travail. En revanche, il se heurte de plus en plus souvent à des divergences de points de vue. L’adjoint va même jusqu’à remettre en cause ses méthodes de travail.

LA MÉSENTENTE

Qu’est-ce que c’est ?

Elle se manifeste par des divergences ou une attitude critique. Dans le cas de Bernard, son adjoint n’adhère plus à ses choix professionnels et le fait savoir. Une telle attitude risque d’affaiblir et de mettre en péril le pouvoir de direction du titulaire.

Peut-elle être sanctionnée ?

La mésentente n’est pas en soi une cause suffisante de licenciement, d’autant qu’il s’agit d’une notion évidemment subjective. En revanche, si la mésentente repose sur des éléments objectifs et a une incidence sur la bonne marche de l’entreprise, elle peut fonder une décision de rupture. C’est par exemple le cas lorsque la stratégie du chef d’entreprise est mise en question : refus de suivre ses instructions, critiquer publiquement ses décisions lors des réunions de direction…

Dans un arrêt du 1er mars 2011, la Cour de cassation a confirmé sa position selon laquelle la mésentente peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement personnel.

La mésentente est d’autant plus susceptible d’entraîner le licenciement du salarié qu’elle s’accompagne ou génère un autre comportement en lui-même fautif. Lorsque la critique prend la forme d’un véritable dénigrement pouvant porter préjudice à la réputation de la pharmacie, ou lorsqu’elle s’exprime de façon injurieuse ou ouvertement auprès des clients, il s’agit de fautes graves, voire lourdes (voir pp. 13 et 14).

L’INCOMPATIBILITÉ D’HUMEUR

Qu’est-ce que c’est ?

Dans de petites structures comme les pharmacies, les difficultés relationnelles peuvent rapidement dégrader l’ambiance et la qualité du travail.

Peut-elle être sanctionnée ?

De simples difficultés relationnelles ne sont pas suffisantes pour justifier un licenciement. En revanche, il est admis selon la jurisprudence que l’incompatibilité d’humeur, dès lors qu’elle entraîne une dégradation du travail de l’ensemble du personnel et porte un grave préjudice à l’entreprise, puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

• Incompatibilité d’humeur entre un adjoint et le titulaire : elle peut rejaillir sur l’équipe et entraîner une dégradation de la qualité du travail de conseil et de prise en charge des clients ;

• Incompatibilité d’humeur entre deux salariés : par exemple lorsque deux collaborateurs ne se passent plus les informations permettant à l’un ou à l’autre d’éviter des erreurs (dans les commandes, la gestion des tickets de promis, etc.).

En tout état de cause, l’incompatibilité d’humeur est délicate à manier et ne peut être invoquée sans des éléments de preuves objectifs et matériellement vérifiables.

LA PERTE DE CONFIANCE

Qu’est-ce que c’est ?

Lorsque l’employeur ne peut plus compter sur le comportement loyal d’un salarié, la perte de confiance s’installe.

Peut-elle être sanctionnée ?

En quelques années, le licenciement pour perte de confiance a connu une importante évolution jurisprudentielle.

• Initialement, la jurisprudence considérait que la perte de confiance pouvait constituer en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

• Dans un deuxième temps, la Cour de cassation a posé en principe « qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs ; que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement ». Cette solution n’interdisait pas à l’employeur de procéder au licenciement pour un tel motif dès lors qu’il pouvait établir que la perte de confiance reposait sur des éléments objectifs imputables au salarié.

• Puis, par un arrêt du 29 mai 2001, la chambre sociale a mis fin à sa jurisprudence antérieure en décidant que « la perte de confiance de l’employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur » (Cass. soc. 29 mai 2001, D. 2002.921, note A. Gardin , Bull. civ. V, n° 183).

Ainsi, la perte de confiance peut être évoquée comme élément complémentaire à une autre cause de licenciement, et comme « conséquence » de cette autre cause, mais plus de manière autonome. Cette autre cause peut être, par exemple, un vol ou une tentative de vol, des détournements de fonds, une violation du secret professionnel, etc.

L’ABC… l’essentiel pour mieux comprendre

Les solutions en cas de désaccord avec un collaborateur

RECADRER UN COLLABORATEUR

Agissez dès le premier faux pas

Votre préparatrice se montre impatiente et directive au comptoir avec les clients, votre apprenti arrive régulièrement en retard, votre adjoint néglige de contrôler l’étudiant en pharmacie fraîchement recruté… Conciliant, vous préférez fermer les yeux et vous convaincre que vos collaborateurs rectifieront d’eux-mêmes leur attitude. La stratégie de l’évitement, par peur du conflit, ne résoudra rien. Il est inutile de collectionner les dysfonctionnements avant de les pointer du doigt. Si vous ne réagissez pas dès les premiers faits, votre silence pourrait être perçu comme un accord tacite, et le collaborateur défaillant ne comprendra pas vos reproches le jour où vous les exprimerez.

Déclenchez un entretien

L’entretien de recadrage permet de faire le point sur un problème existant. La démarche doit être constructive et viser l’amélioration d’un comportement, d’une façon de travailler. Il ne s’agit pas de critiquer la personne sur ce qu’elle est (par exemple, « Vous êtes désorganisé ») ou d’insister sur ce qu’elle n’est pas (par exemple, « Vous êtes incapable de suivre les procédures qualité mises en place à l’officine »). Il est beaucoup plus productif d’amener le salarié à trouver des solutions, par exemple : « Que faudrait-il pour que vous ne fassiez plus d’erreurs dans la gestion des tickets de promis ? ». En ouvrant la discussion, vous donnez l’opportunité au salarié de s’expliquer. D’autant que certaines erreurs peuvent provenir d’une mauvaise organisation du travail dont l’employeur est à l’origine.

Durcissez le ton

Si vous ne constatez aucune amélioration malgré vos demandes, il est temps de muscler votre discours et de prévenir le salarié défaillant qu’il s’expose à des mesures plus radicales. Car un mauvais exemple impuni va créer un précédent dans l’entreprise avec le risque d’aboutir à une crise d’autorité de l’employeur.

LE LICENCIEMENT PERSONNEL OU NON DISCIPLINAIRE

Lorsque le salarié est défaillant dans l’accomplissement de son travail, sans pour autant avoir commis une faute, l’employeur agira sur le terrain du licenciement personnel.

La cause réelle et sérieuse

Le licenciement personnel est une rupture du contrat de travail inhérente au salarié ou à la façon dont il exécute son contrat de travail, voire à son comportement. Mais l’employeur ne peut pas s’emparer de n’importe quel prétexte. Le licenciement doit ainsi s’appuyer sur une cause réelle et sérieuse :

• la cause du licenciement est réelle lorsqu’elle repose sur des faits objectifs, vérifiables, et lorsque le motif invoqué correspond à la véritable cause du licenciement ;

• la cause du licenciement est sérieuse lorsque les faits reprochés sont de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail ;

• les causes du licenciement personnel peuvent être l’insubordination (voir pp. 4 et 5), la mésentente, l’incompatibilité d’humeur (voir pp. 6 et 7) et l’insuffisance professionnelle (voir pp. 11 et 12).

La procédure

Elle est identique quel que soit le motif à l’appui de la rupture.

• La convocation à l’entretien préalable

Dans un premier temps, l’employeur adressera au salarié concerné une lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement (lettre recommandée avec AR ou lettre remise en main propre contre décharge). La lettre doit préciser qu’une mesure de licenciement est envisagée, mais elle ne doit en aucun cas faire état d’une décision arrêtée. Elle doit également indiquer au salarié qu’il a la possibilité de se faire assister, au cours de l’entretien, par une personne de l’officine ou par un conseiller extérieur inscrit sur une liste dressée par le préfet et disponible à l’Inspection du travail ou à la mairie. Si la lettre ne contient pas cette information, le salarié pourra prétendre à des dommages et intérêts. Enfin, la lettre de convocation doit parvenir au salarié au moins cinq jours ouvrables avant l’entretien (le jour de réception de la convocation ne compte pas). Ainsi, le salarié doit disposer de cinq jours pleins (à l’exclusion des dimanches et des jours fériés chômés) pour préparer sa défense.

• L’entretien

En principe, il a lieu dans l’entreprise pendant les heures de travail du salarié. En dehors de son temps de travail, le salarié doit être rémunéré. Comme le salarié, l’employeur peut également se faire assister. Mais il ne pourra solliciter l’intervention de son avocat, de son expert-comptable ou de tout autre conseiller extérieur au personnel de l’officine. Au cours de l’entretien, l’employeur exposera les faits reprochés. Ainsi, le salarié pourra s’expliquer et avancer ses arguments pour se défendre. Si cette tentative de conciliation échoue, l’employeur notifiera au salarié son licenciement.

• La notification de licenciement

La notification du licenciement doit être adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception au moins deux jours ouvrables après l’entretien. Le jour de l’entretien ne doit pas être pris en compte. La lettre recommandée ne peut donc être envoyée, au plus tôt, que le troisième jour suivant l’entretien. Si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

• La lettre de licenciement

La lettre de licenciement doit être rédigée avec le plus grand soin car elle fixe les limites du débat. Ainsi, un motif non exposé dans la lettre ne pourra être invoqué par la suite devant les prud’hommes. La lettre de licenciement permet également d’acter la rupture du contrat de travail et d’alléguer son caractère réel et sérieux.

LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES

Face à des agissements fautifs du salarié, l’employeur fera usage de son pouvoir disciplinaire et peut appliquer une sanction, à condition de ne pas dépasser les limites fixées par la loi.

Vérifier les faits

Le point de départ de toute décision de sanctionner est la découverte par le chef d’entreprise de fautes commises par un collaborateur. Il doit s’agir de faits réels et objectifs. Par exemple, l’employeur ne peut pas retenir des faits rapportés par un autre salarié. Il doit également détenir des preuves permettant d’établir la réalité des faits reprochés. L’absence de preuve est une cause d’annulation de toute sanction. Toutes les formes de preuves sont possibles. En revanche, il est interdit d’utiliser des stratagèmes pour piéger le salarié. Enfin, l’employeur doit garder la tête froide et dépasser le contexte passionnel éventuel pour ne se fonder que sur des éléments objectifs.

Sanctionner

• A partir du moment où l’employeur a connaissance d’agissements fautifs du salarié, il a 2 mois au maximum pour réagir et lancer la procédure disciplinaire. Passé ce délai, il y a prescription et la faute ne peut plus donner lieu à des poursuites disciplinaires.

• Face à un comportement jugé fautif du salarié, l’employeur n’a pas le droit de se faire justice en réduisant le salaire, une prime, ou encore en supprimant un avantage en nature. En revanche, en cas de retards injustifiés d’un salarié, l’employeur a le droit d’appliquer une retenue sur salaire à condition que celle-ci soit calculée proportionnellement au temps d’absence du salarié. Une telle retenue ne constitue pas une sanction pécuniaire.

L’avertissement

Il doit être formalisé par écrit par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Son contenu doit préciser la sanction et les griefs qui la justifient. Il n’est pas obligatoire de faire précéder la notification de la sanction d’un entretien, mais un tel échange est conseillé afin d’expliquer au salarié la sanction.

La mise à pied

La procédure débute par la convocation du salarié à un entretien préalable adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’employeur ne peut pas se contenter d’un simple courriel ou d’un SMS. Le contenu de la lettre doit être explicite afin que le salarié comprenne qu’il est exposé à une sanction. En revanche, il est inutile à ce stade de la procédure de détailler les faits qui justifient le déclenchement de la procédure disciplinaire. Au cours de l’entretien, l’employeur laissera le salarié s’expliquer et se défendre. Cet échange, sous haute tension, doit rester calme et courtois. Il ne s’agit pas de le transformer en « procès » en faisant notamment intervenir les autres salariés. Après l’entretien, l’employeur notifiera au salarié la mise à pied disciplinaire par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Le licenciement disciplinaire

L’employeur suivra exactement la même procédure qu’en cas de mise à pied disciplinaire. Seule différence, la lettre de convocation à l’entretien préalable précisera que le licenciement est envisagé, car la seule mention « sanction », jugée insuffisante, rendrait le licenciement irrégulier. Enfin, la notification du licenciement ne peut se faire que par lettre recommandée avec accusé de réception.

CAS PRATIQUE N° 3

L’insuffisance professionnelle

Fabien a recruté une préparatrice. La période d’essai achevée, le titulaire réalise que la jeune femme est souvent défaillante dans l’accomplissement de son travail : vaccins oubliés sur la paillasse, inversions des tickets de promis, faibles connaissances des DCI, erreurs de rangement des médicaments, mauvaise lecture des ordonnances, problèmes d’organisation… Que peut-il faire ?

QU’EST-CE QUE L’INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE ?

L’insuffisance professionnelle peut être définie comme l’incapacité du salarié à exécuter correctement son travail, faute de compétences et d’aptitudes. L’employeur constate donc une inadaptation du salarié à son poste de travail. Une telle appréciation repose essentiellement sur des critères qualitatifs.

Ce avec quoi l’insuffisance professionnelle ne doit pas être confondue

• La faute : elle est le résultat d’une négligence (voire d’une malveillance), d’un manque d’attention du salarié dans l’accomplissement d’un travail alors que ce même salarié est par ailleurs pleinement compétent. Contrairement à la faute qui a un caractère instantané, l’incompétence s’inscrit dans la continuité.

• Le manque de motivation : il relève de la mauvaise volonté du salarié, plus que d’une réelle incompétence de sa part. Ce qui est en cause dans le manque de motivation est l’attitude du salarié et son comportement.

• L’insuffisance de résultats : elle est caractérisée lorsque le salarié n’a pas atteint les objectifs qui lui ont été fixés, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas compétent. La conjoncture peut être défavorable alors que le salarié est par ailleurs pleinement compétent et qu’il a déployé tous les efforts que l’employeur était en droit d’attendre de lui.

• Le cas de Fabien : la préparatrice n’est visiblement pas au niveau pour effectuer les tâches pour lesquelles elle a été embauchée. On peut donc parler d’insuffisance professionnelle. Le titulaire aurait dû être plus vigilant pendant la période d’essai (2 mois au maximum) afin de détecter les faiblesses professionnelles de la préparatrice.

PEUT-ON LICENCIER POUR INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE ?

L’insuffisance professionnelle est un motif de rupture ?

Même si l’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute, elle peut valablement motiver un licenciement (Cass. soc., 17 décembre 2003, n° 01-45.172) à condition qu’elle soit imputable au salarié et qu’elle présente une certaine gravité empêchant la poursuite de la collaboration de travail. A noter toutefois que l’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute grave. Certaines situations peuvent relever d’une insuffisance professionnelle, telles que des erreurs de gestion, une incapacité à assumer ses attributions, un volume de travail insuffisant ou un manque de dynamisme entraînant la perte de clients.

La procédure de licenciement

Si le pharmacien souhaite se séparer de sa préparatrice défaillante, il pourra mettre en œuvre la procédure classique du licenciement personnel. Dans un premier temps, il convoquera la salariée (par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge) à un entretien préalable. Cet échange ne pourra avoir lieu avant un délai de cinq jours ouvrables qui court à compter du lendemain de la présentation ou de la remise de la lettre. Au cours de l’entretien, l’employeur exposera les faits reprochés. Ainsi, la préparatrice pourra s’expliquer et avancer ses arguments pour se défendre. Si la tentative de conciliation échoue, l’employeur notifiera le licenciement au moins deux jours ouvrables après l’entretien. La lettre de licenciement ne peut donc être envoyée au plus tôt que le troisième jour suivant l’entretien.

QUELLES SONT LES PREUVES À CONSTITUER ?

Côté employeur

Au stade de la lettre de licenciement, il n’est pas nécessaire que Fabien motive sa décision par des exemples précis. La seule mention d’une « insuffisance professionnelle » est suffisante (Cass. soc., 3 déc. 2003, n° 01-45.039). Mais en cas de contestation devant les prud’hommes, l’employeur devra rapporter des faits objectifs, précis et imputables à la salariée pour étayer ce grief. Les preuves écrites telles que des courriers relatant une insuffisance professionnelle, des erreurs répétées et grossières, sont essentielles car l’employeur devra démontrer l’incompétence de la salariée. Les juges apprécieront évidemment la qualification, les attributions de la préparatrice au regard de son diplôme et du nombre d’années de pratique professionnelle qui constituent une présomption de compétences.

Côté salarié

Un message de félicitations, une promotion ou une prime liée à la qualité du travail sont autant d’éléments que le salarié peut utiliser le jour où on lui reproche son insuffisance professionnelle. Il est donc judicieux de conserver toutes les traces écrites élogieuses. Les entretiens d’évaluation peuvent également servir de preuves en faveur du salarié s’ils mentionnent l’entière satisfaction de l’employeur à son égard.

Peut-on utiliser les enregistrements du système de vidéosurveillance ?

La vidéosurveillance en entreprise ne peut avoir pour finalité première de contrôler l’activité des salariés, comme des vols des collaborateurs ou une attitude désinvolte à l’égard des patients. L’objectif doit avant tout être sécuritaire afin de lutter contre les vols, les dégradations et les agressions. Néanmoins, si l’employeur constate un comportement fautif d’un salarié, les enregistrements constituent un moyen de preuve licite. C’est ce qu’a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 2011 (n° 10-14.263).

CAS PRATIQUE N° 4

La faute

Vincent, titulaire, soupçonne l’une de ses préparatrices de voler régulièrement des produits, tels que des shampooings, du dentifrice et des brosses à dents. Les sommes en jeu sont marginales pour l’entreprise, mais le titulaire ne peut pas accepter de telles dérives.

QU’EST-CE QU’UNE FAUTE ?

En droit disciplinaire, il n’existe pas de définition légale de la faute. Celle-ci peut néanmoins être définie comme un comportement du salarié considéré comme inacceptable par l’employeur au regard notamment de ses directives, des obligations issues du contrat de travail ou de la réglementation applicable à l’entreprise.

COMMENT QUALIFIER LA FAUTE ?

La jurisprudence distingue plusieurs types de fautes

• La faute légère : par exemple, des retards occasionnels sans conséquence.

• La faute sérieuse : par exemple, des absences injustifiées.

• La faute grave : par exemple, des propos injurieux à l’égard des autres salariés, la violation du secret professionnel.

• La faute lourde : par exemple, le dénigrement de l’entreprise, la falsification de documents.

Comment distinguer faute grave et faute lourde ?

La faute lourde est une faute grave commise avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Il ne suffit pas que les faits soient simplement intentionnels et qu’ils aient porté préjudice. Il est en plus nécessaire d’établir la volonté de nuisance du salarié. La faute lourde constitue le degré ultime de la faute. Dans les deux cas, la gravité des faits reprochés rend impossible la poursuite de la relation de travail qui se solde par un licenciement disciplinaire, où l’employé se verra privé de ses indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés.

L’erreur de délivrance

L’erreur de délivrance constitue, elle, une faute professionnelle à laquelle les salariés d’une officine sont le plus exposés puisqu’elle est inhérente à l’activité. Par conséquent, c’est aussi celle que le titulaire doit absolument prévenir et éviter. Or, une erreur de délivrance engage la responsabilité du pharmacien. L’ensemble de l’équipe officinale ne doit pas perdre de vue qu’en cas de préjudice, le patient peut porter plainte contre la pharmacie.

QUELLE SANCTION PRONONCER ?

Face à une faute du salarié, l’employeur qui envisage une sanction fera usage de son pouvoir disciplinaire. Celui-ci s’exerce dans un cadre bien défini par le Code du travail.

Agir dans les délais

A partir du moment où l’employeur a connaissance d’une faute, il a deux mois pour réagir et engager la procédure disciplinaire. Passé ce délai, il y a prescription.

Identifier une sanction

Il existe trois types de sanctions disciplinaires.

• L’avertissement : c’est une sanction mineure en cas de faute légère. En actionnant cette sanction, l’employeur prend acte de la faute commise et met en garde le salarié. Elle n’entraîne aucune conséquence sur le contrat de travail.

• La mise à pied disciplinaire : c’est une sanction lourde en cas de faute sérieuse. Cette sanction se traduit par un éloignement temporaire du salarié de l’entreprise. La durée de la mise à pied doit être raisonnable, comprise entre 1 et 6 jours. Pendant cette période, le contrat est suspendu et aucune rémunération n’est versée au salarié.

• Le licenciement : c’est également une sanction lourde en cas de faute sérieuse, grave ou lourde. Cette sanction est mise en œuvre lorsque l’employeur n’envisage plus de futur possible avec le salarié fautif et juge la rupture du contrat de travail inéluctable.

Choisir une sanction

Tout dépend du degré de la faute commise. Outre la nature de la faute, l’employeur peut s’appuyer sur d’autres critères tels que l’ancienneté du salarié, la répétition d’un même comportement fautif, d’éventuelles circonstances atténuantes… Il peut aussi se référer aux sanctions déjà prises à l’encontre d’autres salariés pour des faits équivalents. Car l’employeur doit appliquer un traitement identique pour tous ses collaborateurs.

Cas pratique

Dans le cas de l’officine de Vincent, le vol commis par un salarié dans l’entreprise constitue en principe une faute grave justifiant son licenciement. Le pharmacien dispose donc d’un motif sérieux pour se séparer de sa préparatrice, à condition de pouvoir en apporter des preuves tangibles.

Cette sanction peut toutefois être écartée en fonction de l’ancienneté du salarié, de la modicité du vol et du caractère isolé de l’incident. Dans une affaire récente (Cass. soc., 6 avril 2011, n° 10-15286 D), les tribunaux ont ainsi considéré que l’employeur ne pouvait retenir la faute grave pour licencier un salarié ayant dérobé une faible recette, alors que ce même salarié n’avait commis aucune autre faute en plus de 10 années de présence (Cass. soc., 6 avril 2011, n° 10-15286 D).

Ce qu’il faut retenir

La mésentente

Elle se manifeste par des divergences et/ou une attitude critique. Elle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement personnel. A condition de reposer sur des éléments objectifs et d’avoir une incidence sur la bonne marche de l’entreprise.

L’incompatibilité d’humeur

De simples difficultés relationnelles ne sont pas suffisantes pour justifier un licenciement. Sauf en cas de répercussions préjudiciables à l’entreprise.

La perte de confiance

Elle s’installe lorsque l’employeur ne peut plus compter sur le comportement loyal et professionnel d’un collaborateur. Ce seul motif ne peut jamais constituer une cause de licenciement même quand il repose sur des éléments objectifs.

L’insuffisance professionnelle

Lorsque le salarié est inapte à exécuter correctement son travail, faute de compétence, l’employeur peut décider d’une mesure de licenciement personnel à condition que les défaillances professionnelles soient imputables au salarié et qu’elles présentent une certaine gravité empêchant la poursuite de la collaboration de travail.

La faute

Face à une faute du salarié, l’employeur fera usage de son pouvoir disciplinaire. L’employeur peut actionner trois types de sanctions disciplinaires : l’avertissement, la mise à pied et le licenciement.

Les 8 erreurs à ne pas commettre dans une procédure disciplinaire

1 AGIR SANS RÉFLEXION

Avant de sanctionner un collaborateur, l’employeur doit peser les conséquences de sa décision : permettra-t-elle de corriger la situation ? Comment sera-t-elle perçue par le reste de l’équipe ?

2 NE PAS VÉRIFIER LES FAITS

Si un acte fautif déclenche une sanction, l’employeur doit au minimum s’assurer de son bien-fondé. Les propos rapportés par d’autres salariés sont irrecevables sans vérification. L’employeur doit donc être vigilant afin de préserver son objectivité.

3 MANQUER DE PREUVES

C’est un principe, l’absence de preuve est une cause d’annulation de la sanction.

4 NE PAS TENIR COMPTE DU CONTEXTE

Outre la nature de la faute, l’employeur fondera sa décision sur d’autres critères tels l’ancienneté, d’éventuelles circonstances atténuantes et les antécédents du salarié. Si celui-ci a toujours été exemplaire, l’employeur en tiendra compte.

5 SANCTIONNER HORS DÉLAI

A partir du moment où l’employeur a connaissance d’une faute, il a 2 mois pour réagir et engager la procédure disciplinaire. Passé ce délai, il y a prescription.

6 IGNORER LES RÈGLES DE PROCÉDURE

La procédure disciplinaire est strictement encadrée selon des règles précises que l’employeur doit respecter.

7 AVERTIR VERBALEMENT LE SALARIÉ

Un avertissement doit être formalisé par écrit. C’est la seule sanction qui n’est pas obligatoirement précédée d’un entretien avec le salarié.

8 SANCTIONNER DEUX FOIS ?

Une faute qui a déjà été sanctionnée ne peut l’être de nouveau. Toutefois, des faits déjà sanctionnés peuvent être rappelés à l’appui d’une nouvelle sanction en cas de récidive du salarié.

Le lien de subordination

L’autorité de l’employeur sur le salarié provient du lien de subordination caractérisant le contrat de travail. Ce lien de subordination exige que le salarié se soumette aux décisions de son employeur, sous réserve que l’employeur ne commette pas d’abus.

L’insubordination

Le refus d’appliquer les méthodes définies l’employeur, la contestation des ordres, l’ignorance des consignes constituent des actes d’insubordination qui peuvent justifier un licenciement. Mais tout dépend des circonstances et des motifs pouvant expliquer l’attitude du salarié.

POUR APPROFONDIR

« Que faire lorsque le titulaire me demande de délivrer un médicament ou d’exécuter une préparation alors que j’ai détecté une anomalie » (Marion, préparatrice)

Le titulaire est le chef d’entreprise. A ce titre, les salariés accomplissent leur travail sous ses ordres. Mais son pouvoir de direction a des limites. Notamment lorsqu’il demande de contourner la législation pharmaceutique (par exemple fermer les yeux sur une ordonnance périmée, délivrer sans prescription une spécialité soumise à la réglementation des substances vénéneuses, exécuter une préparation contraire à la loi Talon, etc.). Dans de telles situations, le salarié, qu’il soit préparateur ou pharmacien, doit strictement et fermement refuser. Car si le client subit un dommage, il pourra se retourner contre le salarié qui a sciemment accepté d’enfreindre la réglementation. Sa responsabilité pénale et sa responsabilité civile pourraient alors être engagées en cas de plainte devant les tribunaux. D’un point de vue du droit du travail, le salarié ne risque ni sanction disciplinaire ni licenciement, pour ne pas exécuter des ordres contraires à la loi. De surcroît, dans une telle hypothèse, le titulaire peut lui-même procéder à la délivrance litigieuse.

La lettre de licenciement

La lettre de licenciement doit préciser les éléments factuels justifiant le licenciement pour mésentente. L’employeur ne peut se borner à invoquer une mésentente sans autre précision. A défaut, le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse.

La liberté de critiquer

A l’extérieur de l’officine, comme à l’intérieur, tout salarié bénéficie d’une liberté d’expression. Celle-ci peut inclure la critique dès lors qu’elle est formulée sans excès et a fortiori si elle s’inscrit dans une démarche constructive. Si le salarié se contente de donner son avis, il ne peut être sanctionné pour cela (lire pp. 4 et 5).

L’AVIS DE L’EXPERT Lionel Jacqueminet, avocat

« Les relations de travail peuvent être parasitées par des liens familiaux »

« Dans les petites structures comme les pharmacies, les relations de travail peuvent être parasitées par des liens familiaux, notamment lorsque le conjoint de l’employeur intervient dans le fonctionnement ou la gestion de l’entreprise. En cas de différend entre son conjoint et un salarié, le titulaire va naturellement privilégier son conjoint, ce qui mettra à mal son objectivité. Il ne pourra pas invoquer une cause réelle et sérieuse de licenciement sauf si la mésentente crée un climat de tension permanent avec des conséquences pratiques, objectives et démontrables sur la bonne marche de l’entreprise, et sauf si la mésentente est entièrement imputable au salarié à qui l’on doit pouvoir reprocher des faits précis et suffisamment graves. Ces deux conditions sont cumulatives. »

Les 3 questions à se poser avant de sanctionner

1 • L’exemplarité : la décision permettra-t-elle d’améliorer les comportements vis-à-vis du problème en cause ?

2 • Le climat social : comment la décision sera-t-elle ressentie par l’ensemble des collaborateurs ?

3 • L’équité : aurais-je pris la même décision devant les mêmes faits commis par un autre ?

Source : « Social pratique » n° 590, 10 mai 2012.

A faute égale, sanction égale ?

L’employeur peut sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute compte tenu de leur ancienneté, de leur passé disciplinaire et de leur part prise dans la faute. Toutefois, l’individualisation des sanctions ne doit pas conduire à une discrimination entre salariés.

Faute ou insuffisance professionnelle ?

Lorsque l’employeur se place sur le terrain de l’insuffisance professionnelle, le licenciement ne peut être considéré comme disciplinaire. En effet, l’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute. Autrement dit, l’employeur doit invoquer soit l’insuffisance professionnelle, soit la faute du salarié. S’il invoque les deux, le licenciement est nécessairement privé de cause réelle et sérieuse.

A noter : l’insuffisance professionnelle ne constitue pas un motif valable pour rompre un CDD.

POUR APPROFONDIR

Quand les reproches de l’employeur ne sont pas fondés

Dans certaines circonstances, l’employeur ne peut pas reprocher à un salarié son insuffisance professionnelle.

Par exemple

• Un titulaire ne peut pas sanctionner par un licenciement les erreurs de délivrance d’un préparateur alors que ce dernier est censé assurer la dispensation des médicaments sous le contrôle et la surveillance effective d’un pharmacien.

• Les reproches de l’employeur risquent également de s’écrouler s’il n’a pas rempli ses obligations en termes de formation et d’adaptation d’un salarié à l’évolution de son emploi. Dans ce cas, l’insuffisance professionnelle devient imputable à l’employeur.

• Enfin, à l’impossible nul n’est tenu si l’employeur fixe à ses collaborateurs des objectifs irréalistes. Ont par exemple été reconnus comme excessifs des objectifs ambitieux fixés sans considération de la faible marge de manœuvre du salarié.

Pas de double peine

Une même faute ne peut être sanctionnée deux fois (par exemple un avertissement suivi d’une mesure de licenciement). La Cour de cassation a récemment rappelé ce principe de non-cumul des sanctions dans un arrêt du 26 mai 2010. Dans cette affaire, une salariée avait reçu un courriel de reproches de son employeur qui en profitait pour réclamer un changement radical. Le lendemain de cet envoi, la salariée était convoquée à un entretien préalable au licenciement que l’employeur a par la suite confirmé. La Cour de cassation a estimé que le courriel constituait un avertissement. Le licenciement a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse.

L’AVIS DE L’EXPERT Guillaume Fallourd, Avocat

« Tout acte pharmaceutique engage la responsabilité du pharmacien, qu’il soit titulaire ou adjoint »

Une erreur de délivrance commise par un pharmacien adjoint constitue-t-elle une faute ou une insuffisance professionnelle ?

L’adjoint est supposé détenir les compétences professionnelles requises pour assurer son poste. Au comptoir, l’analyse de toute ordonnance consiste à contrôler la régularité de la prescription, juger de son opportunité, détecter les incompatibilités ou toute autre anomalie. Une erreur de délivrance relève donc davantage de la faute, sérieuse ou grave, que de l’insuffisance professionnelle.

La sanction de l’employeur peut-elle aller jusqu’au licenciement ?

Les médicaments ne sont pas des produits anodins. Tout acte pharmaceutique engage la responsabilité du pharmacien, qu’il soit titulaire ou adjoint. Par conséquent, une erreur de délivrance commise par un pharmacien adjoint peut justifier une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Cela suppose bien entendu que l’erreur soit d’une certaine gravité. Cette appréciation dépend de différents éléments parmi lesquels la dangerosité du produit délivré, la lisibilité de l’ordonnance, le caractère répétitif des erreurs. La nature du produit est bien souvent le critère qui est le plus à même de justifier un licenciement. En effet, une erreur dans la délivrance d’un produit médicamenteux, exposant directement autrui à un risque immédiat, constitue une violation particulière de sécurité ou de prudence.