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La législation des médicaments stupéfiants
Détention, prescription et délivrance, les substances comportant des stupéfiants obéissent à des règles très strictes et spécifiques. Tour d’horizon.
Qu’est-ce qu’un stupéfiant ?
• Définition juridique. Il n’y a pas de définition précise sur ce qu’est un « stupéfiant » (voir encadré), qui se détermine plutôt d’un point de vue législatif. Ainsi, les substances stupéfiantes sont régies et listées par un cadre juridique international constitué par trois conventions de 1961, 1971 et 1988, ratifiées par la France.
• Pourquoi ? Les substances stupéfiantes – et psychotropes – sont soumises à un contrôle international en raison de leur potentiel d’abus et de dépendance et de leur nocivité pour la santé publique et le bien-être social. Elles sont réparties en différents tableaux qui déterminent l’importance des contrôles exercés, au niveau des fabrication, commerce et distribution.
• Et en France ? Le classement des stupéfiants découle de celui international. Il est organisé par l’article L. 5132-1 du code de la santé publique, qui précise la catégorie des substances (voir ci-contre) vénéneuses, lesquelles regroupent listes I et II, les substances dangereuses, psychotropes et stupéfiantes. L’inclusion par catégorie est effectuée par arrêté du ministre de la Santé(1) sur proposition du directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) après avis de la commission des stupéfiants de l’Agence. La qualification de « stupéfiant » se fait produit par produit, en fonction du potentiel d’abus, de son danger pour la santé et du niveau de contrôle souhaité.
Et un médicament stupéfiant ?
• De la même façon, il n’y a pas de définition générale si ce n’est que c’est un médicament comportant une substance stupéfiante.
• Selon l’ANSM, les stupéfiants – et les psychotropes – sont des substances psychoactives pouvant, dans le cadre d’un usage détourné, faire l’objet de pharmacodépendance ou d’abus.
• Les médicaments classés stupéfiants sont soumis à une réglementation très stricte concernant leurs conditions de détention, de prescription et de délivrance.
Comment les stocker ?
• À l’officine, les médicaments stupéfiants sont détenus dans des locaux ou armoires spécifiques fermés à clé et munis d’un système d’alerte ou de sécurité renforcé contre toute tentative d’effraction.
• En cas de vol, la pharmacie doit immédiatement prévenir la police, l’Agence régionale de santé (ARS) et l’ANSM.
Comment sont-ils prescrits ?
• Le prescripteur peut être un médecin, un chirurgien-dentiste – dans les limites de l’art dentaire – ou une sage-femme, qui peut seulement prescrire des ampoules injectables de chlorhydrate de morphine dosées à 10 mg, dans la limite de deux ampoules par patiente.
• Le patient doit être muni d’une ordonnance sécurisée. Le papier filigrané blanc naturel, sans azurant optique, évite les fraudes, notamment les falsifications.
• Une rédaction avec des exigences spécifiques : le nombre d’unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le dosage doivent être rédigés en toutes lettres. La durée du traitement et le nombre de conditionnements peuvent être écrits en chiffres. Exemple : Oxycontin LP, un comprimé de cinq milligrammes matin et soir pendant 28 jours. 2 boîtes de 28 comprimés.
La signature du prescripteur apparaît immédiatement sous la dernière ligne de la prescription. Le nombre total de spécialités prescrites figure dans un carré en bas à droite.
• La durée de prescription ne peut dépasser 28 jours. Pour certains médicaments désignés par arrêtés, cette durée peut être réduite à 7 ou 14 jours. Exemple : le sirop méthadone 40 mg ne peut être prescrit au-delà de 14 jours.
• Cas particuliers de la méthadone et du méthylphénidate : en raison d’un risque de mésusage, le patient a l’obligation d’indiquer à son médecin le nom de la pharmacie chargée de la délivrance. La prise en charge par l’Assurance maladie dépend de cette mention reportée par le médecin sur l’ordonnance.
Comment les délivrer ?
• Qui a le droit ? Il n’existe pas de restrictions particulières. Comme pour tout médicament, les préparateurs et les étudiants en pharmacie, dès leur inscription en troisième année, sont habilités à délivrer des stupéfiants sous le contrôle d’un pharmacien. En aucun cas, un apprenti ne peut effectuer un tel acte, même sous la surveillance d’un pharmacien.
• Le délai : à compter de la date d’exécution de la prescription, le patient a trois jours pour se rendre à la pharmacie. Au-delà, l’ordonnance est exécutée seulement pour la durée de la prescription ou de la fraction de traitement restant à courir.
• Le fractionnement : il est obligatoire pour certains médicaments. Par exemple, les patchs de Fentanyl peuvent être prescrits pour 28 jours mais avec une délivrance fractionnée de 14 jours. Sauf si le prescripteur exclut le fractionnement en indiquant sur l’ordonnance « Délivrance en une seule fois ».
• Le déconditionnement : il est nécessaire afin de délivrer exactement le nombre d’unités thérapeutiques prescrites. Si la présentation ne le permet pas (gouttes, pulvérisations, etc., par exemple, Instanyl), il faudra délivrer un nombre entier de flacons quelle que soit la quantité prescrite. Lors de la délivrance suivante, il faudra tenir compte de ce qui a été donné précédemment.
• Le renouvellement de la délivrance : en cas de fractionnement, la délivrance suivante n’a lieu qu’après le délai résultant de la posologie et des quantités déjà délivrées. Le renouvellement de la prescription est en revanche interdit.
• Le chevauchement : une nouvelle ordonnance ne peut être délivrée au cours d’une période déjà couverte par une précédente ordonnance, sauf si le prescripteur l’indique en utilisant généralement la formule « Complément à la prescription du jour/mois/année » (date de la prescription antérieure).
• L’enregistrement : la délivrance doit aussitôt être transcrite ou enregistrée informatiquement sur l’ordonnancier unique. Logiquement, la personne qui a effectué la délivrance se charge de le faire. Il est impératif de saisir le nom et l’adresse du porteur de l’ordonnance si celui-ci n’est pas le malade. S’il est inconnu de la pharmacie, demandez un justificatif d’identité, dont vous reporterez les références sur l’ordonnancier. En cas d’absence de ce registre ou de mauvaise tenue, le pharmacien titulaire encourt une amende pouvant atteindre 3 750 € et deux ans d’emprisonnement.
• Les mentions à reporter. Sur l’ordonnance : timbre de l’officine, numéro d’enregistrement à l’ordonnancier, date d’exécution, nom de la spécialité et quantité en unités de prise délivrées, indication d’une éventuelle substitution. Sur l’emballage du médicament : nom de la pharmacie et numéro d’ordre, posologie et numéro d’enregistrement à l’ordonnancier.
• L’archivage : les copies des ordonnances sécurisées se conservent trois ans à l’officine. Le classement alphabétique et chronologique n’est plus requis.
Comment les gérer ?
• Dans quoi ? Les entrées et sorties de stupéfiants sont consignées immédiatement après chaque opération dans un registre spécial. Une balance des entrées et des sorties y est portée une fois par mois. Seul le pharmacien titulaire est habilité à remplir ce registre. Cette restriction pose d’ailleurs problème lorsqu’il est absent.
• Durée ? Le registre, les enregistrements informatiques et leurs éditions, par période maximale d’un mois, sont conservés dix ans à compter de leur dernière mention. En cas d’absence du registre ou de mauvaise tenue, comme pour l’ordonnancier, le titulaire encourt une amende pouvant atteindre 3 750 € et deux ans d’emprisonnement.
Que faire des retours ?
Les stupéfiants retournés par les patients sont rangés dans une armoire ou un local fermé à clé, dans une zone isolée, afin de bien les séparer des médicaments stupéfiants destinés à être délivrés. Ils seront ensuite détruits comme les stupéfiants périmés du stock officinal.
(1) Arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants (version consolidée au 8 novembre 2015).
Les « stups »
→ Il y a un amalgame entre l’action pharmacologique et le cadre juridique des stupéfiants. À la fin du XIXe siècle était appelé stupéfiant, une substance qui « stupéfiait », qui agissait sur la douleur, avec surtout les opiacés. Aujourd’hui, dans le langage courant, un stupéfiant est un produit illicite.
Lexique
→ Les « substances » désignent les éléments chimiques et leurs composés comme ils se présentent à l’état naturel ou tels qu’ils sont produits par l’industrie, contenant éventuellement tout additif nécessaire à leur mise sur le marché.
Les assimilés stupéfiants
→ Ce sont des médicaments appartenant à la liste I des substances vénéneuses mais partiellement soumis à la législation des stupéfiants : buprénorphine, buprénorphine + naloxone, clonazépam, clorazépate dipotassique, midazolam, tianeptine sodique (voir tableau page 42). Ils n’ont pas à être stockés dans une armoire spécifique, ni signalés en cas de vol ou de détournement. Ils n’ont pas à être déconditionnés. Le délai de carence de trois jours ne les concerne pas. Pour les délivrer, l’ordonnance doit dater de moins de trois mois comme toute liste I. Enfin, ils ne sont pas inscrits dans le registre comptable des stupéfiants.
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