Des modalités de licenciements simplifiées

Réservé aux abonnés
Publié le 24 février 2018
Par Magali Clausener
Mettre en favori

Les employeurs disposent désormais de modèles de lettres de licenciement et peuvent préciser les motifs de licenciement d’un salarié. Ils doivent cependant être vigilants sur le respect des modalités et des droits du salarié.

Les ordonnances « Macron » ont instauré des nouveautés en faveur des employeurs, notamment ceux des très petites entreprises (TPE). Les mesures phares concernent en particulier le licenciement avec le « droit à l’erreur », ou plus justement le droit à préciser les motif de licenciement après notification au salarié, et la création de modèles de lettres de licenciement. « Les lettres de licenciement sont souvent mal rédigées dans les TPE, et cela pouvait conduire les Prud’hommes à juger un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la moindre erreur, et à accorder des indemnités au salariés, explique Jean-Luc Legal, responsable des affaires juridiques chez Fideliance. Les modèles de lettre, qui rappellent les droits et obligations du salarié et de l’employeur, et la possibilité pour l’employeur de préciser ultérieurement les motifs de licenciement, sont des facteurs de simplification importants pour les entreprises. » L’objectif est donc de réduire les risques d’erreur et, par conséquent, de contentieux.

SIX MODÈLES DE LETTRES DE LICENCIEMENT

Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, paru au JO du 30 décembre 2017, crée donc six modèles de lettres de notification de licenciement. Trois concernent le licenciement pour un motif personnel : faute(s) sérieuse(s), grave(s) ou lourde(s) ; inaptitude professionnelle ou non ; motif personnel non disciplinaire. Et trois les licenciements économiques : individuels et collectifs (moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours et licenciements d’ampleur avec plan de sauvegarde dans les grandes entreprises). Ces modèles sont précis. Outre les mentions qui doivent impérativement figurer dans la lettre de licenciement, ils rappellent les droits et obligations des salariés et employeurs. Par exemple, la lettre ne peut pas être adressée ou remise au salarié « moins de deux jours ouvrables après l’entretien préalable et au plus tard un mois à compter de l’entretien préalable ». Si le salarié ne s’est pas présenté à l’entretien préalable, l’employeur doit l’indiquer dans la lettre. Il doit aussi spécifier les modalités du préavis, c’est-à-dire si le salarié doit l’effectuer ou non. Le décret précise ainsi différents cas de figure y compris la mise à pied à titre conservatoire dans le cadre d’un licenciement pour faute grave ou lourde. Attention ! L’employeur n’a pas l’obligation d’utiliser ces modèles de lettre. En revanche, il doit bien indiquer les caractéristiques de son entreprise et du salarié ainsi que le contexte du licenciement. S’il utilise un modèle, à lui de l’adapter à la situation du salarié mais aussi à la convention de la branche professionnelle de la pharmacie d’officine et au contrat du salarié.

PRÉCISER LES MOTIFS DE LICENCIEMENT

Tous les modèles de lettre stipulent également le droit à la précision des motifs de licenciement. Le décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 (JO du 17 décembre 2017) en fixe les règles, c’est-à-dire « les modalités selon lesquelles l’employeur peut, à son initiative ou à la demande du salarié, préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ». Ainsi, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, l’employeur peut préciser les motifs du licenciement au salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception (AR) ou remise au salarié contre récépissé. « Cette nouvelle procédure ne permet pas de compléter les motifs, mais de les préciser. L’employeur ne peut pas ajouter de nouveaux motifs à ceux figurant dans la lettre », détaille Giovanni Terrana, consultant en droit social à RSM. « Les précisions doivent concerner la matérialité des faits. Ces faits peuvent en effet être vérifiés en cas de litige », ajoute Jean-Luc Legal. Par exemple, l’employeur peut préciser le contexte d’une faute lourde. « C’est une seconde chance si l’employeur pense que sa lettre est un peu « fragile », estime Maître Anne-Sophie Le Fur, avocat au cabinet Cornet Vincent Ségurel.

Le salarié peut également demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Pour cela, il doit envoyer une lettre recommandée avec AR ou remettre une lettre en main propre à son employeur contre récépissé. A noter que l’employeur dispose d’un délai de quinze jours après réception de la demande pour apporter des précisions, selon les mêmes modalités. Mais le Code du travail ne rend pas obligatoire la réponse. De fait, le décret spécifie que l’employeur répond « s’il le souhaite ». Et les modèles de lettre proposent cette formulation : « Nous avons la faculté d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé ».

DES LITIGES « LIMITÉS »

Les motifs de licenciement énoncés dans la lettre « encadrent » en effet la situation juridique du licenciement. « Jusqu’à présent, la jurisprudence exigeait de l’employeur qu’il invoque dans la lettre de licenciement un motif objectif, précis et matériellement vérifiable. L’absence de motif précis équivalait à une absence de motif rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse », rappelle Giovanni Terrana. L’employeur n’avait pas la possibilité, après le licenciement, de les modifier et les compléter. Désormais, les limites du litige sont fixées après d’éventuelles précisions de la part de l’employeur. Une insuffisance de motivation seule ne peut plus rendre un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si le salarié n’a pas demandé à l’employeur de préciser les motifs, l’irrégularité constituée par une insuffisance de motivation ne peut pas à elle seule rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, l’indemnité versée au salarié ne peut pas être supérieure à un mois de salaire.

Publicité

En revanche, que se passe-t-il si l’employeur n’a pas donné suite à la demande de précisions du salarié ? Pour l’heure, c’est l’incertitude. Selon Giovanni Terrana, à défaut de précisions par l’employeur, le juge devra se « contenter » de la lettre de licenciement déjà envoyée pour apprécier son bien-fondé. Et il ne pourra pas invalider le licenciement au seul motif que l’employeur n’a pas répondu à la demande de précisions du salarié, puisqu’il s’agit d’une simple faculté. « En revanche, dans cette dernière hypothèse, le « vice » de motivation privera le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à l’indemnité prévue par le barème obligatoire fixé par l’article. L 1235-3 du Code du travail », ajoute Giovanni Terrana. « L’employeur doit rester vigilant sur la rédaction de la lettre de licenciement et conserver les pièces matérielles qui permettront de justifier des motifs de la rupture du contrat , en cas de contentieux », conseille Maître Le Fur.

L’article. L 1235-3 du Code du travail fixe des montants minimaux et maximaux des indemnités que l’employeur devra verser au salarié en cas de licenciement abusif. Ces montants sont fonction de l’ancienneté du salarié. Pour les entreprises de moins de 11 salariés, le plancher est fixé à 0,5 mois de salaire pour un an d’ancienneté (0 € pour moins d’un an d’ancienneté) et à 2,5 mois de salaire pour 10 ans d’ancienneté. Pour les autres entreprises, le plafond est de 1 mois de salaire pour moins d’un an d’ancienneté et de 20 mois de salaire pour 30 ans et plus d’ancienneté. Le plancher est fixé à 0 € pour moins d’un d’ancienneté, à un mois de salaire pour un an d’ancienneté et à 3 mois de salaire de 2 à 30 ans et plus d’ancienneté.