En marche vers du neuf pour l’apprentissage et la formation des salariés

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Publié le 1 novembre 2018
Par Anne-Charlotte Navarro
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Emmanuel Macron candidat avait promis de réformer en profondeur l’apprentissage pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. Un an et quelques mois après l’élection du président, la loi dite pour la liberté de choisir son avenir professionnel met cette promesse à exécution. Explications.

Selon Emmanuel Macron, elle devait « permettre aux Français de rebondir et de changer de vie ». La loi dite pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été publiée et un calendrier de mesures établi. Les règles de l’apprentissage et du compte per sonnel de formation (CPF) sont modifiées.

Un apprentissage plus simple

L’un des objectifs de la loi est de faciliter et simplifier le recours au contrat d’apprentissage. Sauf précision contraire, ces mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2019. Actuellement, l’apprentissage est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans. À l’entrée en vigueur de la loi, l’apprenti pourra être âgé de 30 ans maximum à la date de signature du contrat. Autre objectif affiché par la loi, responsabiliser les acteurs du contrat d’apprentissage. Elle met à la charge du centre de formation des apprentis (CFA) l’ obl i g at i on d’assiste r l’app renti d a ns sa recherche d’employeur. Les moda lités pratiques de cette assistance seront déterminées dans un futur décret. Le statut du maître d’apprentissage est créé. Le Code du travail dispose qu’il doit être salarié de l’entreprise, volontaire pour cette fonction, ma jeur, et offrir toutes garanties de moralité. Les syndicats de salariés et d’employeurs devront, à compter du 1er janvier 2019, fixer les compétences professionnelles exigées d’un maître d’apprentissage. Alors que la précédente réforme de la formation autorisait l’apprenti à suivre les cours au CFA durant un an sans avoir trouvé un employeur pour l’accueillir, le nouveau texte prévoit d’abaisser ce seuil à 3 mois.

Conclusion du contrat facilitée

Jusqu’à présent, le contrat signé entre l’apprenti et le maître d’apprentissage devait être enregistré auprès de la chambre consulaire(2) au plus tard dans les cinq jours ouvrables (du lundi au vendredi ; samedis, dimanches et jours fériés exclus) suivant son exécution. Au 1er janvier 2020, il n’aura plus à être enregistré, mais seulement déposé auprès de l’opérateur de compétence (OPCO). Cette structure remplace les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). À l’officine, il s’agit d’Actalians, chargée notamment de la collecte de la contribution à la formation et de la prise en charge des formations des travailleurs. Demain, les missions des OPCO seront centrées sur le conseil aux branches professionnelles et le service aux entreprises. La loi prévoit qu’ils fournissent un appui technique aux branches pour, entre autres, déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et de professionnalisation (voir encadré).

Une visite médicale en ville

L’apprenti, salarié de l’officine, est soumis à une visite médicale d’information et de prévention. Alors qu’elle doit être réalisée par un médecin du travail ou par un professionnel de l’équipe pluridisciplinaire de santé placé sous son autorité pour un salarié, cette visite pourra être faite par un médecin de ville si les services de santé au travail n’ont pas pu donner de rendez-vous dans les deux mois. Cette mesure a été votée à titre expérimental.

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Des durées modulables

Comme auparavant, la durée du contrat d’apprentissage (CDD) ou de la période d’apprentissage (CDI) s’alignera sur la durée du cycle de formation. À compter de la réforme, elle variera entre six mois et trois ans. Elle devra être fixée dans la convention signée entre le CFA, l’employeur et l’apprenti. En cas d’échec au diplôme, l’apprentissage pourra être prolongé d’un an, comme aujourd’hui. La loi prévoit que l’employeur pourra faire effectuer à l’apprenti 5 heures supplémentaires par semaine ou 2 heures supplémentaires par jour, sans solliciter une autorisation administrative, aujourd’hui obligatoire. Cette dérogation s’appliquera à une liste d’activités fixée par décret. Dans ce cas, l’apprenti devra avoir des compensations. Souhaité par les représentants des employeurs, le texte prévoit de favoriser l’embauche d’apprentis tout au long de l’année. La date de début de la formation chez l’employeur ne pourra pas être postérieure de plus de trois mois au premier jour du salarié dans l’officine. De même, la date de début de la période de formation en CFA ne pourra pas être postérieure de plus de trois mois au premier jour du salarié à l’officine. La rupture du contrat d’apprentissage ne nécessite plus l’intervention des prud’hommes (voir encadré).

Le CPF crédité en euros

Depuis janvier 2015, le compte personnel de formation (CPF) permet aux travailleurs de bénéficier d’heures de formation tout au long de leur carrière. Dès le 1er janvier 2019, l’employeur déposera sur ce compte des euros au lieu de créditer des heures. Les salariés à temps plein ou au moins à mi-temps bénéficieront des mêmes crédits, dont le montant sera fixé par décret. En mars 2018, le ministère du Travail annonçait une alimentation minimum de 500 euros par an pour chaque salarié. Les heures déjà acquises seront valorisées en euros pour un montant fixé par décret. Cette nouvelle charge sera collectée par l’Urssaf. Le préparateur choisira librement une formation à condition qu’elle permette d’obtenir un diplôme à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), une certification ou une habilitation enregistrée dans un répertoire spécifique ou une attestation de validation de blocs de compétences. Les formations déjà éligibles, comme le permis de conduire, restent possibles. Si la formation a lieu pendant le temps de travail, le salarié n’aura plus à communiquer à l’employeur le contenu et le planning de formation pour obtenir une autorisation d’absence. Cette réforme d’ampleur demande de nombreux décrets pour son application et de lever des zones d’ombre. Un échéancier provisoire a été publié, permettant une application des nouvelles règles au 1er janvier 2019. Le ministère du Travail, à la manœuvre de ce dossier, sollicité à plusieurs reprises, n’a pas souhaité répondre à nos demandes, en raison « d’arbitrage en cours ». Affaire à suivre.

(1) Loi n° 0205 du 5 septembre 2018, Journal officiel du 6 septembre 2018.

(2) Établissements publics de l’État, dotés d’un statut et d’une gouvernance spécifiques, les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les chambres de métiers et de l’artisanat sont des partenaires pour le développement des petites et moyennes entreprises, de l’industrie, du commerce, de l’artisanat et des services. Chaque réseau dispose de ses spécificités propres (gestion par les CCI d’équipements publics tels les aéroports…), mais ils ont de nombreux points communs : représentation de catégories socio-professionnelles auprès des pouvoirs publics, exécution de missions de service public avec recours à des recettes fiscales, rôle d’appui au développement des entreprises, dans le domaine de la formation….

L’Urssaf à la manœuvre du financement

Alors que le texte de la loi affiche le principe d’une « contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance », il distingue toujours la contribution à la formation professionnelle et la taxe d’apprentissage. Si les taux demeurent identiques (respectivement 0,55 % pour les employeurs de moins de 11 salariés et 0,68 % audelà), ces taxes seront recouvrées à l’horizon 2021 par l’Urssaf et non plus par l’OPCA. Les détails pratiques de ce transfert devront être précisés par une ordonnance rédigée par le gouvernement.

Nouvelles modalités de rupture du contrat d’apprentissage après 45 jours

À compter du 46e jour de formation en entreprise, l’apprenti pourra démissionner à condition de respecter un préavis dont la durée sera précisée dans un décret. L’employeur pourra mettre fin au contrat sans saisir le conseil des prud’hommes s’il justifie d’une faute grave, de l’inaptitude de l’apprenti constatée par le médecin du travail, d’un cas de force majeur ou de l’exclusion de l’apprenti par le CFA. Idem après le décès de l’employeur en entreprise unipersonnelle. L’employeur suivra la procédure prévue pour le licenciement pour motif personnel, ou disciplinaire en cas de faute grave. Au 1er janvier 2019, comme aujourd’hui, le contrat pourra être librement rompu pendant les quarante-cinq premiers jours consécutifs ou non de formation en entreprise.