Chauffeurs Uber salariés, pharmaciens autoentrepreneurs ?

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Publié le 28 mars 2020
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le 4 mars, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision historique à propos du statut des chauffeurs Uber. Avec un intérêt pour les pharmaciens ou préparateurs tentés d’exercer sous le statut d’autoentrepreneur.

LES FAITS

M. X., contractuellement lieì avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d’un formulaire d’enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber. Pour cela, il a loué un véhicule auprès d’un partenaire de cette société et s’est enregistré au répertoire Sirene en tant qu’indépendant sous l’activité de transport de voyageurs par taxi. La société Uber BV a désactivé son compte à partir d’avril 2017. M. X. a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail.

LE DÉBAT

Après une décision favorable aÌ M. X., Uber BV sollicite la Cour de cassation, estimant que le contrat liant la société aÌ M. X. n’est pas un contrat de travail. Elle argue que le contrat signé n’obligeait pas M. X. à se connecter à l’application ou à accepter des courses. Elle ajoute qu’il n’y avait sur ce point aucun contrôle, le chauffeur étant libre d’utiliser l’application, y compris en concurrence avec d’autres applications. Uber BV précise que la rémunération de la plateforme était exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses.

En réponse, M. X. fait notamment valoir que le contrat de partenariat comportait des sanctions. Ainsi, Uber BV pouvait désactiver ou restreindre l’accès à l’application après trois refus de course, ou si son taux d’annulation de commandes ou de signalements eìtait plus élevé que la moyenne, ce qui, selon lui, caractérise un lien de subordination. Ce dernier est un élément essentiel du contrat de travail.

LA DÉCISION

Le 4 mars, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la relation entre Uber et les chauffeurs travaillant via la plateforme est une relation de travail organisée par un contrat de travail. Les magistrats ont retenu qu’un lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

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La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel qui avait considéré le fait que le chauffeur ne puisse se constituer une clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs et se voit imposer un itinéraire particulier et des déconnexions temporaires. Les hauts magistrats estiment que le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif.

A l’officine, depuis quelques années, des pharmaciens et des préparateurs sont tentés de se placer sous le statut d’autoentrepreneur.

Cette décision leur confirme l’interdiction d’exercer sous ce statut. En revanche, un pharmacien peut être prestataire de la pharmacie pour, par exemple effectuer des bilans de médication. Dans ce cas, il devra fixer lui-même ses horaires, le prix de sa prestation et être libre dans l’organisation de sa journée de travail.

Source : cass., soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316.

À RETENIR

Un pharmacien ou un préparateur ne peut pas travailler dans l’officine sous le statut d’autoentrepreneur, sauf pour l’exercice de missions très spécifiques comme un bilan de médication.

En cas d’utilisation de ce statut, le titulaire s’expose aux sanctions encourues pour « travail dissimulé ».