Les préparateurs motivés par les tests antigéniques

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Publié le 26 novembre 2020
Par Magali Clausener
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Les pharmacies se sont lancées dans le dépistage des patients Covid-19 positif avec l’aide des préparateurs, intéressés par cette mission porteuse de reconnaissance mais pas forcément de rémunération. Là n’est pas la priorité pour ceux interrogés.

Désormais autorisés à prélever sous la responsabilité d’un pharmacien, mais aussi d’un infirmier ou d’un médecin(1), les préparateurs se sont rapidement emparés de cette nouvelle tâche (lire aussi le matériel p. 74).

« Durant la première vague, je me suis engagé dans cette bataille contre la Covid-19 car je pensais que les préparateurs avaient un rôle important à jouer, mais nous n’avons pas été reconnus par le ministère de la Santé. Avec les tests, nous le sommes un peu plus. C’est un acte symbolique pour dire que nous sommes là, aux côtés des titulaires », revendique Dominique, préparateur depuis trentedeux ans à Saint-André-de-Cubzac (Gironde). Idem pour Antoine, préparateur en Picardie : « C’est une belle avancée, une marque de confiance qui montre que nous sommes de vrais professionnels de santé ».

Tous deux se sont portés volontaires et se sont formés au geste dans un laboratoire de biologie médicale ou avec une infirmière. Charlotte, préparatrice à Paris, n’a pas hésité non plus : « Le titulaire a demandé quels préparateurs étaient prêts à se former. J’étais motivée. J’ai suivi une formation en présentiel avec le laboratoire Biogyne [NDLR : fabricant de tests] et j’ai commencé le 2 novembre ». Julien, préparateur à Montluçon (Allier), très « content de faire une tâche qui touche au médical », a été formé en laboratoire. Il a d’abord observé avant de prélever, supervisé: « C’est indispensable de le voir faire avant ».

Sous haute protection

Tous participent au dépistage avec surblouse, charlotte, gants, lunettes ou visière et masque FFP2. « Il faut se lancer car prélever peut faire un peu peur. C’est un geste technique, mais les écouvillons sont très flexibles », précise Charlotte. « Les gens sont réceptifs au fait que les tests soient réalisés en pharmacie, ajoute Antoine, dont l’officine de centre commercial comptabilise soixante-quinze tests en une semaine. Pour l’instant, nous faisons au fil de l’eau, mais nous réfléchissons à instaurer une prise de rendez-vous ». Là où travaille Antoine, cinq personnes étaient contaminées. « Cela déstabilise un peu de se retrouver face à un patient positif. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai refusé de faire un câlin à ma fille. Je suis d’abord allée prendre une douche », relate Charlotte. Mais le risque n’entame pas la motivation, ni l’absence de rémunération actée.

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Une rémunération volontaire

La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) avait lancé des négociations début novembre afin de payer les préparateurs à l’acte de prélèvement, rémunéré 9,60 € au pharmacien. Malheureusement, le conseil d’administration de ce syndicat de titulaires n’a pas donné mandat pour poursuivre les négociations, préférant laisser le choix. « La réalisation du prélèvement est une extension du champ du métier des préparateurs qui, pour moi, mérite rémunération. C’est pourquoi je recommande aux pharmaciens de valoriser les efforts des équipes », déclare Philippe Besset, président de la FSPF, qui a envoyé un message à ses adhérents.

L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), autre syndicat de titulaires, n’était pas favorable à cette démarche. « Une revalorisation plus globale de la rémunération de l’équipe est préférable, car, à l’acte, cela favorise des préparateurs au détriment d’autres, alors que les tests impliquent une réorganisation du travail globale. Cela dépendra aussi de la croissance économique des officines. Je pense qu’il faut attendre la fin de l’année pour voir ce qu’il en est », estime Gilles Bonnefond, président de l’USPO.

Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de Force ouvrière pharmacie (FO), déplore cette situation. Il appelle les adjoints et les préparateurs à bien réfléchir avant de se lancer dans les tests et à ne pas prendre de risques pour leur santé. Il insiste sur la notion de volontariat, qui ne doit pas être « aléatoire ». « Nous leur conseillons de négocier une rémunération complémentaire. Le prélèvement est un geste technique. Je pense que c’est un peu frustrant de dire au préparateur que la bonification sera répartie ». Une opinion pas forcément partagée par nos interviewés.

Un combat à mener

Julien, Charlotte, Antoine ou Dominique ne se sont pas lancés dans la perspective d’une rémunération supplémentaire. « On se bat pour qu’on nous donne des tâches sous la surveillance du pharmacien. Il serait malvenu de demander une rémunération », estime Julien. Si leurs titulaires l’envisageaient, ils espèrent qu’ils seront « généreux » et ne sont pas opposés à une bonification pour tous. « Une rémunération à l’acte peut conduire à des dérives. Je ne suis pas contre une valorisation pour l’ensemble de l’équipe car, quand je prélève, c’est un autre préparateur qui est au comptoir », résume Charlotte. Aucun n’a vraiment abordé le sujet avec son titulaire. « On va pouvoir être actif sur ce combat que l’on mène tous les jours contre la Covid-19 », espère Julien. Pour l’heure, la lutte contre le virus et la valorisation du métier de préparateur sont leurs priorités.

(1) Journal officiel du 17 octobre 2020.

Question de droit

Que risque le préparateur qui refuse de faire des prélèvements ?

En vertu du Code du travail, le salarié est lié à l’employeur par un lien de subordination. Ce lien implique d’exécuter les missions imposées par l’employeur dans le cadre de son poste. Elles peuvent être décrites dans le contrat, une fiche de poste ou par les usages de la profession. Si le salarié refuse d’en exécuter une, il s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller au licenciement.

Qu’en est-il des prélèvements ?

Les textes légaux mettant en place les tests antigéniques à l’officine n’indiquent pas clairement que les salariés peuvent refuser d’exécuter ce texte. La tentative d’accord entre partenaires sociaux ayant échoué, il y a un flou juridique. Côté syndical, le message est clair : le principe du volontariat doit être respecté. « Les pharmacies doivent se porter volontaires pour effectuer des prélèvements. Il doit en être de même pour les salariés. Cette décision doit être respectée par l’employeur », déclarent à l’unisson Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), et Philippe Denry, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Cette mission est réalisée dans le cadre de l’urgence sanitaire. Elle n’est pas organisée par un avenant avec la Sécurité sociale. C’est pourquoi le volontariat doit rester la règle », justifie Philippe Denry. Pour Gilles Bonnefond, « il s’agit d’un geste technique qui implique une formation particulière », preuve que cette mission n’est pas habituelle pour un préparateur et implique son accord et son adhésion pleine et entière.

Oui, mais…

Cette mission est nouvelle et ponctuelle, mais un employeur souhaitant participer à la lutte contre la Covid-19 pourrait être tenté de l’imposer à toute l’équipe. Dans ce cas, il faudra alors faire preuve de dialogue pour tenter de résoudre un conflit qui, sur le strict plan juridique, pourrait être explosif et finir devant les tribunaux.

Anne-Charlotte Navarro