Un temps à avoir la blouse

Réservé aux abonnés
Publié le 5 mars 2022
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

C’est quasiment l’uniforme des équipes officinales. Au fait, mettre et enlever sa blouse compte-t-il dans le temps de travail→ Réponse pour ne pas se faire blouser.

LES FAITS

M. X., ouvrier professionnel au sein de la société R., a saisi, le 17 décembre 2012, le conseil de prud’hommes pour, entre autres, obtenir une contrepartie à ses temps d’habillage et de déshabillage.

LE DÉBAT

L’article L. 3121-3 du Code du travail dispose que « le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière ». Ce texte précise que le temps d’habillage et de déshabillage donne droit à un repos ou à une compensation financière à deux conditions : le port d’une tenue de travail est imposé par la loi, la convention collective, le règlement intérieur de l’entreprise ou le contrat de travail ; l’habillage et le déshabillage doivent avoir lieu dans les locaux de l’entreprise. En l’espèce, M. X. justifiait sa demande par une note de service diffusée par son employeur selon laquelle « les salariés qui choisissent de se changer sur le lieu de travail bénéficient, jusqu’à 10 minutes, d’un temps d’habillage à compter de leur heure de prise de service ». Les salariés s’habillant ailleurs que dans l’entreprise devaient donc effectuer 10 minutes de plus que les autres pour obtenir une contrepartie égale. En réponse, l’employeur arguait qu’il avait fait le choix d’intégrer ce temps au temps de travail quand l’habillage avait lieu dans l’entreprise, ce qui répondait aux exigences de l’article L. 3121-3 du Code du travail. Le 14 février 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) estime que la note de service ne permet pas à l’employeur de déroger aux dispositions de l’article L. 3121-3 du Code du travail visant à reconnaître au salarié le droit à une indemnité correspondant à un temps d’habillage de 10 minutes par jour. La société R. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 9 février 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société R. Les magistrats considèrent que la note de service laisse le choix à chaque salarié de s’habiller et de se déshabiller soit sur le lieu de travail soit ailleurs. S’il opte pour cette seconde solution, le salarié n’a pas droit à des contreparties sauf à arriver un peu plus tôt au travail et à repartir un peu plus tard. La reconnaissance de ce temps comme du temps de travail effectif doit valoir pour l’ensemble des salariés. Cette décision peut sembler sévère pour l’employeur qui, au regard de l’article L.3121-3 du Code du travail, ne doit une contrepartie que si l’habillage est réalisé dans l’entreprise, mais les juges retiennent que l’assimilation à du temps de travail effectif doit valoir pour tous. Il est nécessaire de rappeler qu’aucun texte d’origine légale ou conventionnelle n’impose le port de la blouse au comptoir. Ainsi, si le contrat de travail est également silencieux sur ce point et qu’aucune note de service n’exige de la vêtir, la blouse est facultative à l’officine. Les textes obligent seulement à porter le badge.

Source : Cass. Soc. 9 février 2022, n° 20-15256.

Publicité

À RETENIR

Le temps d’habillage donne lieu à contrepartie si le port de la tenue est imposé par un texte et si le salarié s’habille dans l’entreprise.

L’employeur peut choisir d’assimiler le temps d’habillage à du temps de travail effectif. Dans ce cas, cela doit s’appliquer à l’ensemble des salariés sans distinction.

A l’officine, si le contrat de travail, le règlement intérieur ou une note de service n’impose pas le port de la blouse, le salarié est libre de la porter ou non.