Fausses ordonnances : quand elles tuent

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Fausses ordonnances : quand elles tuent

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Publié le 30 mai 2022
Par Yves Rivoal
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La pétition en ligne d’une mère de famille dont la fille est décédée d’une overdose en septembre 2021, à l’âge de 18 ans a dépassé les 52 000 signatures sur la plateforme change.org. En s’adressant au ministère de la Santé et à Carine Wolf-Thal, la présidente de l’Ordre national des pharmaciens, cette mère entend alerter sur le fait que sa fille a pu se procurer en officine de la méthadone et de l’alprazolam à l’aide de fausses prescriptions. « A l’Ordre des pharmaciens, nous n’avons pas attendu le décès dramatique de cette jeune fille et cette pétition pour prendre conscience du problème, assure Pierre Béguerie, le président de la section A du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Cela fait maintenant plusieurs années que nous alertons sur les dangers du nomadisme médical et des fausses prescriptions, le dispositif de l’ordonnance sécurisée dans le cadre des médicaments stupéfiants n’étant plus adapté, et hélas parfois non respecté par les prescripteurs ». Pour Pierre Béguerie, la seule solution qui permettra de régler ce problème, c’est l’e-prescription. « L’Ordre insiste à chaque réunion avec le ministère pour que celle-ci voit le jour le plus rapidement possible, bien avant la date prévue du 31 décembre 2024, en regrettant de ne pas avoir été intégré à l’expérimentation qui a été menée par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) », confie le président de la section A.

L’e-prescription : une arme antifraude

Pierre Béguerie rappelle également à tous les pharmaciens leurs responsabilités en la matière. « Les ordonnances dématérialisées ne sont pas reconnues par le code de la Santé publique. Lorsqu’une prescription arrive au format numérique, par mail ou via une application, le pharmacien ne devrait donc pas les délivrer. Sauf s’il prend le temps de l’authentifier, d’accompagner la dispensation d’un contrôle via le dossier pharmaceutique (DP), par exemple, afin de vérifier qu’elle n’a pas déjà été délivrée, et de s’assurer de l’existence du prescripteur », conseille le président de la section A. Le problème, c’est que ces patients prétextent avoir oublié ou perdu leur carte Vitale. « Dans ce cas, c’est au pharmacien de prendre la décision de délivrer, sous sa responsabilité, en prenant en compte l’intérêt et la connaissance du patient, et la relation avec le prescripteur, note Pierre Béguerie en rappelant que des signaux d’alerte existent et permettent souvent au pharmacien de repérer des comportements déviants. Mais, comme le nombre d’ordonnances non conformes ne cesse de progresser, les pharmaciens ne peuvent pas passer leur journée au téléphone pour s’assurer de la réalité d’une prescription suspecte. Tant que nous n’aurons pas l’e-prescription, des patients arriveront malheureusement toujours à passer à travers les mailles du filet », conclut le président de la section A.

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