La réglementation des plantes médicinales

Réservé aux abonnés
Publié le 23 septembre 2022
Mettre en favori

Mieux connaître la législation des drogues végétales, vendues seules ou associées, permet aux officinaux de les commercialiser et de les dispenser en restant dans les clous.

Un peu d’histoire

• En France, contrairement à d’autres pays européens, la dispensation des plantes médicinales est réservée aux pharmaciens exerçant en officine. Seules 148 d’entre elles sont également considérées comme alimentaires, et en vente libre depuis un décret de 2008.

• Cette réglementation découle de la loi du 11 septembre 1941, sous le régime de Vichy, qui a supprimé le diplôme d’herboriste et instauré le monopole pharmaceutique de la dispensation des plantes médicinales. Les herboristes certifiés avant cette date ont pu continuer à exercer mais ils sont tous décédés depuis, faisant officiellement de la pharmacie l’unique lieu de vente de ces plantes.

Qu’est-ce qu’une plante médicinale ?

C’est une plante dont au moins une partie possède des propriétés médicamenteuses. D’un point de vue réglementaire, les plantes considérées comme médicinales sont celles qui sont inscrites à la pharmacopée, française ou européenne, où elles sont réparties dans deux listes.

• La liste A des plantes médicinales utilisées traditionnellement. On y retrouve 467 plantes dans la dernière version de janvier 2021. Ces plantes listées à la pharmacopée par leur nom vernaculaire (= nom usuel) rassemblent en réalité davantage d’espèces botaniques. Ainsi, l’arnica figurant à la pharmacopée peut correspondre aux espèces Arnica montana ou Arnica chamissonis.

• La liste B des plantes médicinales employées traditionnellement en l’état ou sous forme de préparation, dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu. 154 plantes sont recensées dans la version de janvier 2021, à considérer comme des plantes toxiques, dont certaines servent à la préparation de médicaments homéopathiques.

Qu’est-ce qu’une drogue végétale ?

• Même si la pharmacopée et l’usage courant recourent au terme de « plantes médicinales », il serait plus approprié de parler de « drogues végétales », bien que cela n’ait rien à voir avec de quelconques propriétés stupéfiantes. Cela désigne une plante définie botaniquement par son nom de genre et d’espèce, en latin, associée à la ou les parties qui revêtent une propriété médicinale. Exemple : dans le bleuet, dont on utilise l’inflorescence (le capitule), la drogue végétale considérée comme médicinale est le capitule de Centaurea cyanus L.

Publicité

• Cette précision a son importance car, dans certains cas, pour une même plante, il peut y avoir plusieurs drogues végétales considérées comme médicinales mais n’ayant pas le même statut réglementaire et parfois des propriétés différentes. Exemple : l’aubépine fournit deux drogues végétales, les sommités fleuries, uniquement reconnues comme médicinales et faisant l’objet d’un monopole pharmaceutique, et les fruits, employés pour leur usage médicinal et alimentaire et libérés du monopole en 2008.

Médicinales et alimentaires ?

Les autres plantes, parfois aussi dotées de propriétés médicinales sans pour autant être inscrites à la pharmacopée, peuvent être considérées comme alimentaires. Pour bénéficier d’un statut alimentaire reconnu, une plante doit justifier d’une consommation suffisante dans les pays de l’Union européenne avant 1997. Cette date correspond à l’entrée en vigueur du règlement européen n° 258/97, dit « Novel Food », qui vise à s’assurer de l’absence de risque pour la santé publique des aliments sans historique de consommation en Europe, tels la pulpe de fruit de baobab et les graines de chia. Ainsi, les plantes et parties de plantes, non inscrites à la pharmacopée et consommées ou autorisées en tant que nouveaux aliments, ne sont pas soumises au monopole pharmaceutique. Vous pouvez donc continuer à acheter vos tomates sans passer par la case officine !

Une plante, plusieurs statuts ?

Ce n’est pas seulement le statut de la plante, médicinale ou non, qui détermine la réglementation qui s’applique au produit fini. Ainsi, une même drogue végétale, entière ou en extrait, peut se retrouver sous la forme de :

• médicaments, qui doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Les médicaments comprenant des plantes sont de moins en moins nombreux en raison des contraintes importantes pour les industriels liées à ce statut. À savoir : les plantes sèches vendues à l’officine et les préparations officinales et magistrales contenant des plantes qui doivent être conformes à la pharmacopée bénéficient également du statut de médicament ;

• médicaments à base de plantes, qui bénéficient d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché simplifiée par rapport aux médicaments classiques en raison du recul d’utilisation dont font l’objet un certain nombre de plantes médicinales, notamment en termes de toxicité. Pour autant, ce statut reste assez contraignant et coûteux au regard du statut de complément alimentaire à base de plante, qui a évolué en 2014. Exemple : les Gouttes aux essences des laboratoires Pierre Fabre sont passées d’un statut de médicament à base de plante à celui de complément alimentaire, sans changement de formule, en 2020 ;

• compléments alimentaires, qui font l’objet d’un simple enregistrement auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Bien plus simple et moins coûteuse qu’une autorisation de mise sur le marché, cette procédure est privilégiée par la plupart des industriels. Ces derniers doivent s’assurer de la mise en place d’un référentiel de qualité, qu’ils déterminent eux-mêmes et doivent fournir en cas de contrôle. La rigueur et la qualité du produit peuvent donc fortement varier d’un fabricant à un autre. Il est de la responsabilité du titulaire de proposer à l’officine des produits de qualité adaptée.

→ Depuis 2014, le cadre réglementaire des compléments alimentaires à base de plantes a été précisé, avec une liste de 450 plantes autorisées, dont certaines sont pourtant inscrites au monopole pharmaceutique. Un mécanisme de reconnaissance mutuelle entre membres de l’Union européenne (UE) permet d’élargir cette liste lorsqu’une plante est déjà commercialisée en tant que complément alimentaire dans un autre pays de l’UE. La liste s’est donc progressivement étoffée et compte plus d’un millier d’espèces végétales.

→ Les compléments alimentaires peuvent aussi revendiquer une origine « agriculture biologique » lorsqu’ils suivent le cahier des charges européen, ce qui n’est pas le cas pour les médicaments. Par contre, ils ne peuvent prétendre qu’à une action physiologique et non thérapeutique ou pharmacologique, au risque d’être considérés comme des médicaments par fonction. Cette ligne de crête entre le complément alimentaire et le médicament est largement soumise à interprétation, rendant parfois la distinction difficile entre ces deux statuts ;

• produits cosmétiques, qui sont destinés à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain en vue de les nettoyer, les parfumer, en modifier l’aspect, les protéger, les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. Comme pour le complément alimentaire, la frontière avec le médicament destiné à une application cutanée est parfois compliquée à établir. En témoignent des produits à base d’arnica, parfois enregistrés comme médicaments ou produits cosmétiques.

Mélanges de tisanes à l’officine

• Les mélanges de plantes pour tisanes réalisés à l’officine sont encadrés par la monographie du Formulaire national de la pharmacopée française, « Mélanges pour tisanes pour préparations officinales », disponible gratuitement sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : ansm.sante.fr/documents/reference/la-pharmacopee-francaise. La monographie définit plusieurs listes :

→ une liste de plantes considérées comme des substances actives, en vingt-quatre catégories, rassemblant les plantes actives pour une même indication générique. Exemple : la catégorie 1 rassemble des drogues végétales pouvant être employées dans les troubles du sommeil, aubépine (fleur, sommité fleurie), coquelicot (pétale), passiflore (partie aérienne) ;

→ une liste de plantes pouvant être utilisées pour améliorer la saveur des mélanges. Il s’agit de drogues végétales très aromatiques qui rendent le mélange meilleur au goût, permettant ainsi une meilleure observance. Exemples : anis (fruit), mélisse (feuille), menthe poivrée (feuille), réglisse (racine), thym (feuille, fleur)… ;

→ une liste de plantes pouvant améliorer l’aspect visuel des mélanges : principalement des drogues végétales colorées rehaussant l’aspect esthétique du mélange. Exemples : bleuet (capitule), coquelicot (pétale), mauve (fleur), violette (fleur)…

• Les associations de plantes sont libres mais codifiées au travers de certaines règles :

→ les mélanges ne doivent pas dépasser plus de dix drogues végétales ;

→ il ne peut y avoir plus de cinq drogues végétales actives et chacune doit représenter au moins 10 % du mélange total ;

→ il ne peut y avoir plus de trois drogues végétales pour améliorer la saveur et elles ne doivent pas excéder 15 % du mélange total ;

→ il ne peut y avoir plus de deux drogues végétales pour parfaire l’aspect visuel et elles ne doivent pas dépasser 10 % du mélange total ;

→ il convient d’éviter l’association de drogues végétales dont le degré de fragmentation est trop différent pour éviter de se retrouver avec un mélange hétérogène ;

→ les lots de fabrication doivent être compris entre 100 g et 3 kg ;

→ les différentes catégories de substances actives peuvent être associées, mais selon des règles précisées dans la monographie. Exemple parmi les vingt-quatre catégories de plantes : catégorie 5, plantes soulageant les troubles digestifs (ballonnements, flatulences…), + catégorie 11, plantes soulageant les troubles digestifs d’origine hépatique.

Le cas des huiles essentielles

• Contrairement aux plantes sèches, les huiles essentielles, bien que dotées de propriétés pharmacologiques puissantes en raison de leur forte concentration, ne font pas l’objet par défaut d’un monopole pharmaceutique.

• Seule une quinzaine d’huiles essentielles particulièrement dangereuses en raison de leurs propriétés neurotoxiques (absinthe, thuya, sauge officinale), irritantes (sabine, moutarde), phototoxiques (rue) ou cancérigènes (sassafras) ne sont dispensées qu’à l’officine. Les autres huiles essentielles bénéficient de statuts divers qui définissent les contraintes réglementaires (qualité, étiquetage, allégations) dont elles font l’objet. Ainsi, une même huile essentielle de lavande fine peut être vendue comme médicament, arôme alimentaire, complément alimentaire, cosmétique, parfum d’ambiance, produit phytosanitaire…

Les huiles essentielles vendues à l’officine se retrouvent principalement sous deux statuts :

→ médicament : dans ce cas, la qualité doit être conforme aux critères de la pharmacopée ;

→ complément alimentaire : les critères de qualité sont définis uniquement par le fabricant. Ce statut est beaucoup plus léger à mettre en œuvre et permet de mettre en avant, le cas échéant, la qualité biologique de l’huile essentielle, qui constitue un argument de vente qui ne peut s’appliquer qu’à des produits alimentaires.

• Mélanges d’huiles essentielles. À l’heure actuelle, les mélanges commercialisés à l’officine sont soit des produits commerciaux (médicaments, compléments alimentaires, parfums d’ambiance), soit des préparations magistrales prescrites par un médecin. Il n’existe pas de cadre permettant la préparation officinale de mélange d’huiles essentielles comme cela est possible pour les plantes sèches. Une monographie pour remédier à cette absence est en cours d’étude par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après une enquête publique close en avril 2022.