Le statut de la libéralité

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Publié le 20 février 2010
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Titulaire en zone rurale, Nicolas Grezis-Domme a eu l’idée de créer un miniréseau en aidant deux confrères à s’installer via des SELARL. Les avantages économiques procurés par ce montage n’existeraient pas sans une solide entente entre les associés.

Nicolas Grezis-Domme, 30 ans, se félicite d’avoir, par le biais de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), aidé deux confrères à reprendre une officine. Mieux : de ce coup de pouce confraternel est né un miniréseau. Installé depuis 2006 à Mourioux-Vieilleville, commune creusoise de 570 habitants, il en a eu l’idée fin 2007. « Face aux évolutions de l’environnement économique (charges de plus en plus élevées, déremboursements qui ne cessent d’augmenter, pharmacies à bas coût…), le titulaire ne peut plus rester isolé dans son officine. Parmi les leviers pour s’en sortir, il y a l’association avec des confrères. Le miniréseau que nous constituons désormais avec trois officines nous permet d’obtenir des résultats, même si cela reste perfectible. Cela nous a par exemple déjà permis, vis-à-vis de certains laboratoires, de passer du contrat de base à celui de grand compte et de bénéficier ainsi de remises qui sont le double de celles que nous avions auparavant. C’est un début et ce n’est qu’un des multiples avantages de notre petit réseau », explique le titulaire.

« Je ne fais rien sans le feu vert de mon comptable »

Début 2008, Nicolas Grezis-Domme aura l’occasion de mettre en application son idée. Alors qu’il doit embaucher une adjointe, il apprend que la pharmacie d’une commune voisine est à vendre. Lorsqu’Elodie Beynat se présente pour le poste, le courant passe bien et Nicolas Grezis-Domme évoque d’emblée à la candidate son projet d’une aide à l’installation afin de créer un miniréseau. En septembre 2008, après six mois de collaboration à Vieilleville, la SELARL est créée et la jeune femme s’installe à Bénévent-l’Abbaye, une commune située à 5 kilomètres de l’officine de son associé.

Dans le même temps, le comptable de Nicolas Grezis-Domme, spécialisé dans le domaine pharmaceutique et doté de bonnes connaissances juridiques, lui apprend qu’une officine de Guéret est à vendre et que Michel Boubet, qui y travaille depuis vingt ans, souhaite la reprendre. Les deux hommes se rencontrent et décident de créer une seconde SELARL.

Le comptable de Nicolas Grezis-Domme avait vu juste ! « Je ne fais rien sans son feu vert car je ne suis pas formé à l’aspect juridique des choses, reconnaît le titulaire. Si l’on est bien conseillé, ce type de montage n’est pas très compliqué. Mais attention ! Il faut d’une part trouver le bon associé et bien s’entendre avec lui dès le départ. S’il n’y a qu’un intérêt financier, les divergences se feront rapidement sentir… D’autre part, monter les dossiers, voir les banques, lire les actes ou encore rédiger les pactes d’associés prend du temps et beaucoup d’énergie. D’ailleurs, l’année où j’ai monté les deux dossiers de SELARL j’étais moins présent au comptoir. Heureusement mon équipe est capable de prendre le relais à tout moment s’il le faut. »

Appliquer dans une officine ce qui marche dans les deux autres

Aujourd’hui, Nicolas Grezis-Domme connaît bien les différents aspects de la création d’une SELARL : « Dans ce type de dossier, il faut avant tout bien s’entendre humainement. Si on privilégie l’aspect financier, si on ne voit qu’à travers les chiffres et que l’on s’écarte de l’humain, on va améliorer la rentabilité mais pas pour longtemps ! Or l’idée est bien de travailler ensemble étroitement, que chacun apporte son petit quelque chose dans le réseau. Un proverbe serbe dit : « Qui suit tout le monde fait mal. Qui ne suit personne fait pire… » A plusieurs on se sent moins seul. Dès qu’il y a un problème, on en parle et on trouve des solutions qui s’imposent. Et puis, il y a une émulation. Cela permet d’être en évolution permanente, de se remettre en question. Même notre façon de vendre évolue. »

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Les trois confrères ont par exemple constaté que les ventes de crèmes pour les mains étaient bien meilleures à l’officine de Bénévent. « Simplement parce qu’Elodie fait essayer la crème, indique Nicolas Grezis-Domme . Nous avons adopté le principe dans les deux autres pharmacies avec un tube de démonstration sur le comptoir. ça marche ! Ce sont parfois de simples petites choses qui, partagées, facilitent le quotidien de chacun ! »

Même exemple avec l’adjointe en charge de l’aménagement des officines, qui reproduit dans chacune les points positifs relevés dans les autres. Les trois sites pratiquent également la location de personnel. « Dans les contrats de travail figure désormais une clause de flexibilité qui permet de se prêter les collaborateurs en cas de besoin. Dans les faits, c’est la pharmacie de Vieilleville qui emploie les salariés et qui facture le coût des heures de travail passées dans chacune des autres pharmacies », détaille le titulaire.

Si l’entraide mutuelle, le partage des expériences et des compétences sont des aspects essentiels du réseau imaginé par Nicolas Grezis-Domme, sa puissance d’achat – relative toutefois compte tenu de la ruralité du département et du chiffre d’affaires généré par les officines – n’est pas négligeable. « A trois, nous avons à peu près la taille d’une grosse pharmacie urbaine et les avantages du réseau que j’imaginais sont bien là, mais des problèmes sont apparus depuis, regrette-t-il. Ainsi, les achats sont centralisés par l’officine de Vieilleville où les commandes sont livrées puis refacturées en rétrocession. Mais les visiteurs des laboratoires continuent de venir dans chaque officine pour prendre des commandes. C’est un point que nous devons encore améliorer dans le futur. »

Une gestion des stocks difficile à mettre en commun

Un autre souci est apparu avec la gestion des stocks car les trois officines associées n’ont pas tout à fait la même clientèle. Celle de Guéret, la plus urbaine, a besoin d’un stock large. Et si les typologies des clientèles de Vieilleville et de Bénévent sont semblables – âgée, fidèle à son officine et à certains produits – celle de Bénévent compte également une frange de population jeune et doit donc disposer de certains produits spécifiques.

« La complémentarité de nos pharmacies présente des avantages mais aussi des inconvénients. Le panel de stock est plus large et, compte tenu des rétrocessions possibles, le stock de chaque pharmacie est moindre. Mais on ne peut pas lors des achats faire de volume sur tous les produits, explique Nicolas Grezis-Domme. Nos stocks ne tournent pas tous à la même vitesse et il faut donc que nous arrivions à faire communiquer nos systèmes informatiques liés au stockage. Or les systèmes actuels ne savent pas gérer les stocks de plusieurs pharmacies… »

En revanche, le miniréseau offre un atout essentiel aux yeux de Nicolas Grezis-Domme : la proximité des officines, seulement distantes de 5 et 25 kilomètres. « Si elles étaient plus éloignées, cela mobiliserait des moyens et donc rognerait le gain de rentabilité obtenu par les remises plus importantes… »

Faire grandir le réseau pour peser plus et obtenir plus de remises est naturellement tentant et logique. « Le réseau va évoluer, c’est sûr. Mais les difficultés risquent elles aussi d’augmenter. En tout cas, si nous le faisons nous privilégierons encore l’aspect humain, essentiel pour parvenir à une association rentable et harmonieuse », conclut Nicolas Grezis-Domme

Envie d’essayer ?

Les avantages

– De meilleures conditions d’achat grâce au regroupement des commandes.

– Des officines plus rentables.

– La possibilité de prêt (location) de personnel entre officines.

– L’émulation entre titulaires et salariés.

Les difficultés

– Le choix des partenaires.

– La nécessaire proximité géographique entre officines.

– La gestion informatique commune des stocks.

– Le temps nécessaire au montage des dossiers, notamment si le réseau est issu de SELARL.

Les conseils de Nicolas Grezis-Domme

« Asseyez le réseau sur des rapports humains solides. Le fait que le dispositif soit né suite à la création de SELARL qui visaient à installer des confrères est essentiel. »

« Dans ce cadre, n’attendez pas une rentabilité ou des gains personnels immédiats. »

« Entourez-vous des bonnes personnes en matière de conseils et de montage des dossiers (comptable, cabinet d’avocats spécialisés, etc.). »